Acrobaties de l'âme


 Quelque chose de nouveau m'est arrivé, pour la première fois depuis très longtemps. Une émotion nouvelle, une pensée a éclot sans crier gare. Je cherche et je crois ne l'avoir jamais même envisagé auparavant. Ou cela remonte à si longtemps que je l'ai totalement occulté. S'autoriser à dire "non, je ne veux pas" et se sentir enfin libre d'être de soi-même. Le problème est qu'à force de ne se considérer qu'en fonction du retour d'un autre, j'ai oublié ce que cela voulait dire. Je commence à peine à en percevoir les contours.

Je peux dire que j'impose une image de personne affirmée. Pourtant. Je ne compte plus les décisions que j'ai prises pour aller dans le sens de l'autre, pour offrir l'image d'une personne tournée vers le bien-être de l'autre, croyant en extraire mon propre bien-être, écrasée par la culpabilité de ne jamais faire assez bien, ne jamais faire assez tout court. J'ai cédé, chaque fois qu'il aurait fallu poser des limites, un peu plus de terrain, pour finir assise dans un coin, l'âme vide de la moindre envie, ignorant ce qui pourrait me remplir à nouveau.

Pour qui, pour quoi, sans doutes mille raisons, j'ai vu, j'ai entendu, que je n'étais pas vide, que je ne l'avais jamais été. J'ai tout simplement appris depuis l'enfance à me caler sur le pas de ceux que j'aime pour tenter d'être aimée, pensant que ma propre valeur était inexistante. Mais pourquoi la mienne moins que celle de quelqu'un d'autre ? Pourquoi aurais-je mes preuves à faire ? Pourquoi aurais-je besoin de la validation de quelqu'un pour vivre comme bon me semble ? Pourquoi aurais-je besoin de remplir tout ce vide qui n'existe pas en réalité ? Ce vide fantôme qui se nourrit des mirages vaporeux que j'ai cru être mon salut. Pour me rendre compte, que ce qui m'écrase la poitrine, ce n'est pas un trou béant, ce qui m'asphyxie c'est la peur de ne pas m'aimer assez pour rester debout.

Quand j'ai regardé ce monstre dans les yeux, j'ai découvert tout ce qui se cache derrière, comme une révélation, un début de libération : " Je te vois enfin, je vais pouvoir te combattre, te chasser, et laisser toute la place nécessaire aux joies simples que je chérie tant, et qui m'échappaient jusque là". 

Sincèrement, j'ai dû m'avouer que j'avais orchestré mon propre emprisonnement, à toujours répéter les mêmes scénarios, à m'enfoncer un peu plus dans une paralysie que j'ai toujours détesté ! Et je l'accepte. A l'instant même où je tape les touches de mon clavier, mes doigts tremblent de terreur à l'idée de révéler toutes ces images qui sont venues m'extirper de ma si petite geôle : "Sors de là ! Tu n'as rien à perdre."

Il ne me reste qu'à avoir le courage de résister aux tentations de consolations qui se révèleront être des mensonges. C'est totalement nouveau pour moi, de m'arrêter, avant d'aller dans un sens ou dans un autre, et me demander "mais toi, tu veux quoi ?". Je veux respirer, je veux que l'air que j'inhale provienne de mon atmosphère, et pas d'un bouche à bouche qui m'empêcherait de ressentir toute la douceur de chaque minute qui passe. 

C'est justement au moment où tout devrait aller au plus mal, que je m'entends, que je vois que je vais bien, quand je ne laisse pas ces peurs infantiles me dicter la marche à suivre. C'est quand les choses vont bien qu'il faut s'en inspirer pour se construire, sinon il devient tout aussi impossible de s'accrocher à quoique ce soit. Je vais bien. Je voudrais une baguette magique pour que les personnes que j'aime aillent tout aussi bien, qu'elles se libèrent de leur chaînes, leurs peurs, leurs blessures. Mais je ne saurais expliquer moi-même comment j'ai réussi à ouvrir les yeux ; et même à cet instant où j'ai le bide qui fait des nœuds et la cœur des saltos sans filet, j'ai compris que ce n'est que l'écho du passé, que certains s'appliquent à faire résonner, avec ma complicité.

Dire haut et fort, je ne suis pas quelqu'un qui cicatrise facilement, alors j'ai décidé de panser chacune de mes plaies en douceur, avec le concours de personnes qui sauront trouver le bon remède, n'est pas un exercice si aisé. Afficher ses faiblesses n'est pas à la mode. Pourtant c'est exactement ce qui va m'aider à éloigner les mauvaises décisions, les mauvais choix, ceux qui ne sont pas totalement les miens, ceux qui m'ont empêché d'être. Tout simplement être.

C'est fou comme tout est plus simple et plus doux quand on se contente juste d'être. Sans compte à rendre, sans culpabilité, juste s'écouter, même quand on ne se parle pas assez fort. Prendre le temps d'entendre son petit soi qui nous chuchote : "fais-le donc comme ça, ça c'est toi". 

Et si ça ne plaît pas ? J'ai décidé de ne plus m'en inquiéter. Les gens qui s'aiment, le font comme ils sont et ne s'imposent aucun cahier des charges. La bienveillance ne s'orchestre pas, elle est spontanée ... Elle est naturellement là, ou pas, il est inutile l'attendre ou la chercher là où elle ne naitra jamais.

Disons qu'ici je fais à la fois un mea culpa pour toutes les personnes qui ont toujours été là et le sont encore, de près comme de loin, à supporter mes tsunamis d'émotions dévastatrices. Et que j'en profite pour me promettre de donner toutes ces chances à cette vague beaucoup plus douce qui m'invite à naviguer guidée par mes propres constellations.

Vide, moi ? Débordante, oui ! Ca va être bien ...



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