Dissipation et insolation

 Comment rester honnête sur ces lignes quand la peur d'être débusquée aux premiers mots se fait sentir.
Il y a quelques semaines de cela, j'ai demandé à de nouvelles personnes de me donner leur avis sur mes écrits, et l'on m'a fait remarquer que ces derniers étaient assez sombres. Cette remarque m'a laissé sans argument, proportionnellement à l'interrogation qu'elle a suscité chez moi, flirtant  avec la vexation. 
Ce n'est pourtant pas le sentiment premier que j'aimerais faire ressortir de mon inspiration, bien qu'il faille avouer que je n'éprouve le besoin d'écrire qu'à des instants où les problématiques de ma vie me laissent sans solution immédiate, et que je sois dans l'obligation de m'arrêter plus longuement devant celles-ci.
Je me souviens avoir entendu mon prof de philo nous expliquer lors de notre premier cours que seuls les ignorants pouvaient être heureux n'ayant aucune connaissance du monde et de sa complexité. Et même si cette théorie a eu mainte fois l'occasion de se vérifier, je reste convaincue qu'il n'est pas impossible de conjuguer savoir et sérénité, conscience et légèreté. En bref, j'ai trouvé déprimant à mourir de se dire qu'il fallait rester en retrait de toute expérience et connaissance pour espérer approcher la sérénité et le bien-être. Et a fortiori, je n'ai pas l'impression d'être la personne la plus malheureuse du monde parce que je me plonge dans des heures de réflexions toutes plus inutiles les unes que les autres sans en attendre aucune réelle réponse, ni aucun dénouement heureux ou malheureux. Je me paye juste le luxe de penser. Dans notre société moderne et riche, ne serait-ce pas plus insultant pour la vie de rester en surface sans jamais creuser un peu plus loin, de ne faire que frôler l'événement pour le vanter sans le vivre vraiment, intensément. Les conséquences avec.
Mes meilleurs souvenirs sont fait de discussions alliées à de bruyants fous rires. Sans jamais dissocier l'une de l'autre, au risque de perdre de sa superbe. Même une simple séance de larvage sur la plage, une sortie nocturne tout ce qu'il y a de plus superficielle, une après-midi ordinaire sur son lieu de travail, nous donnent la très  précieuse opportunité d'écouter, de découvrir, de partager, les gens, les évènements, les histoires de vie des simples mortels que nous sommes. C'est ainsi que rentrer chez soi cerné par son quotidien, on se sent plus fort, plus riche, avec l'envie toujours plus forte de se lever le lendemain pour vivre un nouveau jour plein d'ordinaire si beau quand on sait le regarder au microscope. Et se laisser le temps, la patience d'y arriver tout en gardant un minimum d'humilité, laisser au vestiaire un amour propre débordant ou le fléau de sa propre morale. Impossible d'entendre quoique ce soit, pollué par un trop plein d'a priori, de limites auto-imposées, par sa propre peur de l'inconnu. Être ouvert aux autres, ça ne se voit pas au premier coup d'oeil. Enfin en ce qui me concerne. 
Parait-il que je donne ce sentiment de distance de prime abord, douloureuse défense que j'aimerais définitivement gommer de mon visage, de ma gestuelle, de mon esprit lui-même, tant j'aime faire de nouvelles découvertes. 
Une fois cette révolution enclenchée dans mes intentions, je me retrouve comme nue de toute expérience prête à accueillir toutes les surprises d'une existence, nouveaux amis, nouvelles conversations, nouvelles occasions de rire comme de pleurer, comme d'aimer, nouvelles complicités, nouvelles étreintes, nouvelles révélations, nouveaux secrets ... Se lever chaque jour en n'oubliant jamais que chaque minute compte, même celles passées à se languir sur un coin de canapé, chaque instant, chaque son, chaque lumière, chaque sourire, chaque regard, être capable d'aimer la vie pour le transmettre à ceux qui nous ont comme modèle, ces petits bouts de nous qui nous voit avant tout comme le miroir de leur sentiment, comme un guide dans ce périple que sera leur avenir, qu'ils puissent se rappeler combien chaque instant peut leur apporter la substance que certains attendent comme un miracle.
Je n'ai jamais cru au précepte consistant à décider d'être heureux. C'est une contre-vérité, un non-sens. Les instants sont heureux, les bonheurs à peine saisissables, ainsi je reste convaincue que le bonheur ne se décide pas comme on se prépare à faire un marathon ou à subir une opération de chirurgie esthétique. Il se laisse inviter quand le moment et l'esprit y sont propices, mais à aucun moment ne peut s'installer définitivement à notre table. Quelle impertinence de le croire palpable au point de se sentir capable de le maîtriser. A quoi bon profiter des heures, jours, mois, années de bonheur si celui-ci devient une banalité manipulable.

Non quand j'écris je ne suis pas triste, ou sombre, je ressens juste plus fort tout ce qui danse inconsciemment, consciemment dans le labyrinthe de mon chemin de pensée. Quand j'écris les n'importes quoi prennent un sens inattendu, le mélange de mes idées devient plus limpide et me pensant branchée en boucle, je me sens alors plus légère, je m'adoucit et me rappelle que demain  tout ira bien, malgré les tempêtes, les peurs, le monde, malgré les autres et grâce aux autres.

Et quand il arrive que les épisodes s'imbriquent mal, comme une mauvaise partie de Tetris, c'est alors qu'il faut accepter ne pas tout maîtriser, accepter de tomber, accepter d'avoir mal, savoir qu'on va se relever, comme toujours, parce que les promesses de le vie nous attendent et qu'on ne va pas les laisser s'envoler comme ça, sans bouger ... Et qui sait à force de tomber j'apprendrais peut-être la prudence. 

JAMAIS !


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