Voir plus loin

Je n'écris pas qu'ici.
J'écris à mes amis, beaucoup, souvent, parce que je ne pourrais pas vivre sans pratiquer ces échanges de façon assidue et sur-investie. J'écris à des clients, des supérieurs, parce que j'y suis obligée. J'écris à ma mère, à mon père, pour me rappeler le plaisir des cartes postales de colonie de vacances, sous-titrées d'un invisible "ce que je dis n'a aucun intérêt mais je voulais juste vous notifier que vous me manquiez". J'écris à d'autres, têtes d'affiche de mes envies, et c'est encore ici que je joue le plus avec les mots, trébuchant sur des terrains glissants où je n'ai pas toujours le mot de la fin.
Et je m'écris. Depuis toujours. 
J'ai reçu mon premier "journal intime" pour mes 9 ans, par lequel ma mère m'a transmis l'importance de l'écriture, et ses vertus, tant thérapeutiques qu'enrichissantes. Il n'est pas d'exercice qui vous apprenne mieux à vous connaitre, à vous comprendre que d'exprimer vos idées les plus inavouables sur un bout de papier. Ce type de confidences n'a pas grand chose à voir avec celui de se creuser la tête sur la formule à utiliser pour la rédaction d'un post sur un blog même perso comme Ma Tour d'Argent. Dans un journal de bord, peu importe le style, le champ lexical ou encore même la lisibilité du texte. Qu'importe puisque la seule chose que je cherche à exprimer c'est le reflet exact de l'état d'âme (voir l'état des lieux) du moment. Cet écrit n'a alors absolument pas pour but d'être lu et relu par une autre personne que moi même. A la fois, le sac est vidé, si tant est qu'on en est eu la force, et dans le même temps on matérialise grâce à l'encre absorbée par une page l'idée, l'envie, la peur, la peine que l'on n'oserait évoquer à personne à l'instant même où l'on s'en débarrasse.
La relecture, a posteriori, de ces derniers a pour qualité de me permettre de constater une évolution dans le ressentit des évènements. Comme pour me prouver que, malgré les hauts et les bas, le creux des vagues et les tourbillons entêtants, je finis par retrouver le chemin de ma vie, abîmée, un peu, certes, mais toujours pleine d'envie, encore et toujours.
Mes journaux intimes, rebaptisés "Journal de bord" à l'âge de 18 ans, ont vu passer plusieurs types d'histoires. Je me souviens de chacun d'entre eux. De celui que j'ai eu du mal à remplir, alors trop pauvre en vocabulaire et en expériences, pour y inscrire les premiers tracas et petits bonheurs. En passant par celui graffé quotidiennement des premières histoires sensationnelles d'ado surexcitée (qui a dit "Ah déjà à cette époque ?") dans lequel j'ai retrouvé le passage où j'auto-discute de ce camarade de collège qui deviendra quelques années plus tard le futur père de ma progéniture. Sans oublier, ce carnet relié couvert de cuir, déniché au milieu d'un lot de vieux bouquins et offert par mon père au hasard d'un "y'a pas un truc pour moi ?". Premiers "vrais" secrets intimes, vacillant entre fin d'une adolescence énergique et début de vie d'adulte bien trop tumultueuse. Carnet habillement dérobé dans ma penderie par un échantillon d'abrutis enrobé d'insensibilité doublé d'absence totale de conscience. Volé donc, et jamais retrouvé bien entendu, bref. 
Le premier journal de bord était, toujours selon moi bien entendu, et c'est encore là l'essentiel, le plus palpitant. Initié au retour d'une première expérience de vie commune, soldée par un échec, il était, à mon sens, le plus croustillant, aiguisé, piquant, agrémenté d'une multitude de collages de photos, tickets, souvenirs en tous genres récoltés au gré de mes aventures sensationnelles (autant qu'elle puissent l'être entre 18 et 23 ans). Il faudrait que je remette la main dessus histoire de rire en mode auto-dérision et dernier degré, le tout pour le même prix soit blèch.
De la même façon, le journal rédigé entre 23 et 33 ans a disparu de la circulation, surement enfouit dans un carton lors THE déménagement. Bizarrement à part de sa couverture cartonnée marron imitation cuir, je n'ai pas vraiment de souvenir de ce que j'ai pu y inscrire. Surement un bon nombre d'âneries, d'absurdités et de considérations subjectifs. Il y'eu des faits sommes toutes assez marquants pendant cette fenêtre de 10 ans, pourtant ... Pas l'ombre d'un mot ne me revient. 
Et le dernier, celui qui se remplit depuis 3 ans sans même que je ne m'en rende compte, bientôt épuisé,  à quelques pages d'une retraite dûment méritée, après avoir épongé les colères, déceptions, désespoirs, brèves joies, honteuses interrogations. Cahier initialement destiné à une revue de presse d'astuces, expos et autre DIY, improvisé confident dans l'urgence. 
D'ailleurs, il est amusant, d'observer comment, déguisés tels d'ordinaires cahiers, mes secrets les plus intimes ont pu trainer au vu et su de mes différents invités depuis 18 ans, sans jamais attirés l'attention. Bien qu'au final ces fadaises n'intéressent que moi, je ne tiens pas à ce quiconque s'attardent à leur lecture.
Ainsi une question me taraude. Pourquoi un tel étalage de détails au sujet de mes carnets de confidences ? Parce que noyée dans un océan d'incertitude, je suis gagnée par un phénomène qui me connait bien : "le questionnement à outrance". Des intimes avertis me connaissant sous différentes coutures m'ont encore répétés que j'étais une personne créative, pleine de ressource qui avance malgré vents et marées. Pourquoi un tel fossé intergalactique entre ce que les gens peuvent percevoir de nous et notre propre considération ? Où se situe le curseur de la réalité ? Et la réalité de qui ? Où commence l'objectivité ? Où s'arrête la subjectivité ? Le jugement moral ? 
Une seconde théorie rettentie de temps à autre, notamment quand le téléguidage de mon esprit est HS. Il me parait impossible de faire du bien aux personnes qui nous entourent si l'on n'est pas soi-même convaincue de sa propre valeur, et de ses qualités. Commencer par se pardonner ses défauts pourraient être une piste. Bien qu'un défaut pour l'un peut paraitre tout juste une coquetterie pour l'autre. Alors peut-être se contenter de s'apprécier tel que l'on est ? Pas sure d'en être capable, la remise en question systématique est une nature qu'il est difficile de chasser.

Alors que cet article semble extrêmement narcissique, c'est précisément mon rôle de maman et ma crainte de ne pas être à la hauteur du bonheur de mes enfants qui est venue déclencher cette avalanche de blablas trop perso.

Mais pas que ... Et cette partie de l'histoire c'est à la version papier que je vais la confier.


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