Traité de paix


Et si la solitude n'était que la soeur maléfique de la liberté ?
J'ai passé les dernières années à dompter cette solitude forcée par les évènements d'une vie ordinaire, et en faire une douce amie. Une image en décor de fond qui ne fait plus peur, pas trop envahissante, et dont les volutes deviennent, les années passant, une sensation douce et agréable. Pour laisser la place à l'idée très nette d'une liberté certaine, se lever le matin et ne voir qu'une large place à l'imprévu, comme au plus plat des instant, du moment qu'il ne résulte que d'un choix personnel. 
La Liberté au prix de la solitude, ou l'inverse ? Il n'est pas simple de tout affronter seul, et il faut une certaine aisance relationnelle pour réussir à demander de l'aide au moment où vous savez que cet instant sera difficile à surmonter en ne comptant que sur soi-même. Je n'ai pas à me plaindre, je n'ai été qu'entourée d'âmes bienveillantes et sincères depuis presque quinze ans maintenant. 
Et quand est-il de la solitude affective ? J'ai appris qu'elle était facile à berner avec un peu de fêtes, un peu d'amants, et beaucoup d'amis. Ce surtout quand vos envies et croyances passées ont volé en éclat un dimanche matin de mai, pour mieux réaliser quelques semaines plus tard que vous n'aviez peut-être fait que tromper la peur de vivre et de mourir seule. Et si vous n'aviez pas encore fait LA Rencontre ? Je veux dire, comment savoir si l'on ne joue pas un rôle dans sa propre vie, en créant des décors en carton pâte, parce que le vide est terrifiant, l'imprévu anxiogène, la fantaisie perturbante ?

Et alors que la solitude devenait enfin une alliée,  a contrario mon coeur a laissé entrer quelques sentiments qui sont venus déstabiliser ce fragile équilibre, pour finalement éradiquer peu à peu tout le plaisir que j'avais d'être seule, entre mes murs. Expérience douloureuse et pourtant presque utile. Il était alors évident que la fragilité de mon décor venait d'encore plus loin qu'une relation sans issue, et il a fallu alors s'attaquer au vrai dossier, celui plein de poussière au fond d'une armoire dont on a perdu la clé. C'est ce taf là qui m'a rappelé que l'indépendance était délicieuse, la vie mettant, aux mêmes instants, sur mon chemin alambiqué un allié de philosophie, une âme soeur, un merveilleux hasard, et au bout d'une successions de coïncidences heureuses, une évidence. 

Les mois sont passés, il a fallu à la fois réapprendre à partager, ses états d'âmes, ses envies, ses contraintes, et se rappeler qu'être seule a parfois du bon, même quand chaque séparation est difficile à encaisser. Pas d'inquiétude à ce stade, avec un acolyte de schizophrénie les chemins trouvent toujours une issue douce et heureuse. Un équilibre s'était presque totalement inventé entre la présence et l'absence. La vie que je mène, que nous menons, est un choix, pas toujours facile à assumer, mais qui nous semblait jusqu'alors nous ressembler.

Et viennent les départs douloureux, l'absence prolongée, les contacts limités, le jours paraissant des semaines, les semaines des mois, et l'équilibre est encore secoué. Me revoilà donc à devoir dompter à nouveau la solitude pour qu'elle réinvite au plus vite son amie Liberté, et ne pas sembler être prisonnière d'une morosité squatteuse. 
Et cette interrogation m'atteint, ne sommes-nous libres que seuls ? Je n'écris pas très souvent, et n'ai jamais autant écrit que les années où je m'enfermais des heures durant dans un bureau tout en haut de "ma tour d'argent". Et ces longs lundis matin où après avoir déposé les enfants à l'école je prenais tout le temps qu'il me plaisait pour faire danser mes états d'âmes en chorégraphie de métaphores et paraphrases. Mon esprit avait alors tout le temps de divaguer sur tel ou tel autre sujet.
Aujourd'hui je partage mon temps et mon énergie pour nourrir cette douce et belle histoire, qui m'est devenue vitale. La distance n'aidant pas à se dégager du temps pour divaguer. Oui, pour laisser son esprit s'enfuir loin et prendre à son tour toutes les libertés de polémiques ou même de bavardages quelconques, il lui faut du temps, de l'espace. Et un peu d'audace. Entre le moment où les mots s'enchaînent dans ma tête et le moment où je suis portée par l'envie de les partager il peut se passer aussi un certain temps. 
Il faudrait donc je me retrouve seule des semaines durant, loin de celui qui a fait naître ses sentiments si forts, celui qui m'a réconcilié avec moi-même pour que l'envie d'écrire, que toutes formes de liberté s'immiscent à nouveau dans ma vie ? 

En couple, en amitié, on partage, on construit, on nourrit, mais combien de voyage introspectif ont été fait à plusieurs ? Se retrouver seule avec soi-même fait partie du jeu si l'on veut vraiment savoir qui l'on est, ce que l'on souhaite, pour savoir donner sans se compromettre avec altruisme, se comprendre, savoir faire des choix, et se délecter de ce que l'on reçoit. 
Finalement être très entouré, n'asphyxierait pas toute forme d'expression personnelle, cerné de moments où l'on s'adapte sans cesse aux autres, et où plus personne ne sait exprimer ce qu'il voudrait.
Toutes ces idées ne devraient pas faire peur, car la culture de l'individu n'empêche en rien de rencontrer des personnes avec qui le mariage philosophique, amicale ou amoureux se fait tout naturellement. J'enfonce sûrement une porte ouverte avec l'idée que tout réside dans l'équilibre entre ces deux états. Savoir que l'on peut compter sur des personnes sincères et aimantes, et savoir qui l'on est capable d'être sans l'appui, ou l'influence de ces mêmes personnes.

Maintenant soyons clairs, la pensée de ces semaines d'absence m'écrase le coeur jusqu'à nouer la totalité de ma poitrine, même si chaque jour vient délicatement me rappeler que le monde ne s'est pas effondré et qu'il ne tient qu'à moi de faire appel à ces vieux souvenirs de reine solitaire de mon palais où je fais "ce que je veux quand je veux" pour au moins essayer d'adoucir un eu cette interminable attente.

En conclusion, j'ai réouvert la porte à Miss Seule, et je vais essayer d'esquisser un sourire en lui servant un café. Elle a l'air de vouloir faire la paix, ça devrait bien se passer ...


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