Page blanche


Samedi soir, porte fermée, après une après-midi de rien. Un pique-nique devant un film, se réveiller l’éprit embrumé après deux heures d’une sieste sûrement trop longue, ressortir la vieille guitare pour y jouer quelques notes enfantines, un autre film, du chocolat, le tout entrecoupé de « pauses » cigarettes dont la fumée vient combler le vide qui s’installe à l’intérieur n’attendant rien de plus de ses fumées nocives.

Un esprit perfide qui me joue des tours, à m’emmener sur certaines pistes, puis les abandonnant me laissant l’inspiration nue. Ce n’est pourtant pas faute de fonctionner, de tourner et rouler sur lui-même, ce dernier jamais rassasié de philosophies inutiles. Se laisser vivre, errer dans sa bulle, sans autre but que de laisser le temps filer. Et ne pas savoir où l’on se trouve dans sa propre vie. Avoir des envies un jour, les trouver absurdes le lendemain, et se forcer à les réaliser le surlendemain, ces dernières deviennent une pénitence quand elles se faisaient rêves quelques jours plus tôt. Alors il reste la page blanche, celle sur laquelle j’ai tous les droits, même celui de n’avoir rien à dire, rien à réaliser, rien à partager. 

Mes jours sont aussi inconstants que mes idéaux. La seule envie qui persiste est celle d’écrire. Mais pour dire quoi ? Que prendre mon temps n’est pas un exercice dans lequel je performe ? Même si cela résulte d’un choix. Celui de laisser les jours vides de prévisions pour découvrir ce que ma tête viendra inventer pour nourrir l’envie d’avancer. S’arrêter pour faire connaissance avec ses propres envies, celles accouchées par l’ennui ? Et après ? il faut l’énergie, et les ressources pour acter la moindre de ses créations nichées aux confins d’une tête encore trop engourdie de croyances et légendes terrifiantes. 

Et comment ne pas passer pour une surexcitée inconstante quand on est capable de pondre 10 idées et qu’on n’ira peut-être qu’au bout d’une ou deux, laissant tomber au passage celles qu’on ne se sera pas donner les moyens de faire aboutir. L’oeil de l’autre restant un des freins principaux de ceux qui nous retiennent dans une gadoue quotidienne, ennuyeuse et sans relief ? Ne pas décevoir ceux qui, au contraire, trouvent nos chorégraphies philosophiques inspirantes, ceux qui ne savent même pas que l’inspiration, c’est eux. 
C’est chaque fibre des êtres que m’entourent qui me nourrissent, agrémentées d’une pincée de rêves sortis de fantasmes immatures, et de destins jalousés de personnalités adorées. C’est un peu dépitée que je m’observe de ma tour d’argent, immobile, inerte, ne passant aucun pas, dépassant certains caps parce que la vie l’impose. Mais avec l’étrange impression de couler des fondations pour une construction qui n’a pas encore révélée ses plans. Et si c’étaient celles de ceux qui suivront. Et si ma seule et unique responsabilité, mon seul destin était de guider ceux qui n’ont besoin que de mon amour et de ma protection sur des routes sures et qu’ils y trouvent leurs propres avenirs vers des jolis desseins ? 

Je ne peux pourtant pas me résoudre, à la moitié de mon propre chemin, ne pas pouvoir vivre encore et toujours plus d’épisodes intenses et heureux, des épreuves sûrement, et tant de découvertes. Il existe milles expressions sur la patience et les événements qui arriveront quand ils le devront. Je ne crois pas aux destinées écrites, je suis fermement convaincue qu’il ne se passe pas grand chose en restant statique, mais que l’on peut passer à côtés d’une multitude de beaux épisodes, ou de n’en humer qu’à peine les doux parfums si l’on s’évertue à gigoter jusqu’à l’étourdissement. Alors voilà, on en revient toujours au même, l’équilibre des forces, Luke Skywalker avait donc tout compris … Ainsi dédramatisons ce chemin de pensées avec un petit clin d’oeil à l’oeuvre cinématographique de toute une génération, voir deux !

Nous jouissons tous d’une page blanche, chaque matin, il ne tient qu’à chacun d’y inscrire son récit, d’y dessiner son horizon, d’y coller chaque photo de rencontres, d’échanges, de paysages qui changeront pour toujours la composition des jours à venir, et jouir de l’effet papillon insufflé. 
Ainsi la seule quête qui importe vraiment est celle de la connaissance de soi, comment partager avec générosité et recevoir les bras ouverts sans savoir ce que l’on a envie d’apposer sur sa page blanche ?


Un jour après l’autre, laissons ralentir les heures qui veulent s’enfuir …



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