Libre et enfermée

Depuis bien longtemps, je ne m'autorise plus à rêver.

Même la nuit ... Je produisais dans mon sommeil des scénarios de folie, dont je me souvenais parfaitement au réveil et qui pouvaient même influer sur ma réalité s'ils furent un minimum convaincants. J'ai pris un certain nombre de décisions, de virages à la suite d'un rêve qui se faisait plus qu'explicite. Vous savez de ceux dont l'on se demande s'il on a réellement rêvé (ces deux derniers mots n'étant pas fait pour être amis), et lorsque l'on réalise qu'il ne s'agissait bien que d'un "fantasme" non contrôlé, l'on vit alors une déception certaine. Je n'en fais plus. Plus jamais. Depuis presque 10 ans maintenant. Et ils me manquent, ainsi que mon incontrôlable besoin d'imaginer tout ce qu'il était encore possible et temps de réaliser dans ma vie. Je ne sais plus le faire. 

Je m'accroche à la réalité comme à une bouée sure. Pourtant, cela me manque, tout le temps. L'imagination est une échappatoire indispensable pour donner du goût à la vie. Le trop "normal" ne m'est pas savoureux. Alors on peut créer un peu de fantaisie, et réveiller son corps et son esprit trop longtemps endormi dans son quotidien douillet.
Souvent, je me convaincs qu'il est trop tard. C'est facile, et tout se remet à sa place simplement, je fais rentrer chacune de mes considérations et préoccupations dans les petites cases bien taillées pour elles. 

Mais franchement, ça n'est vraiment pas drôle. Pourquoi avoir peur de se laisser rêver ? Et de fait, j'ai envie de jouer à un jeu ... Si j'avais carte blanche, et le pouvoir de tout orchestrer, si je pouvais, quelques minutes durant, me laisser divaguer pour m'écrire une vie sans aucune limite, ni de temps, ni d'argent, de vie ou de mort. La fée clochette en version Warrior. Qu'en ferais-je ?
Le terrain de jeu est si vaste. Même simplement l'écrire ici m'impressionne et me laisse dubitative.

Pour commencer, je me serais obstinée sur les chemins plus artistiques que je chérissais avant de devenir une adulte (vers 30 piges quoi). La musique, le dessin, l'écriture, la photographie, tout ce qui aurait pu me réussir plus jeune quand je pouvais y dépenser toute mon énergie sans jamais avoir l'impression d'y sacrifier mon temps. Bien que la musique ne reste qu'un rêve à part entière, n'ayant pas eu la chance de recevoir un enseignement quelconque de ce type ... Participer à des réalisations via des travaux de coulisses. Je me rappelle avoir fait le choix d'études de textile pour devenir costumière. Je me rappelle avoir voulu être photographe de plateau. Je me rappelle avoir passé des heures à dessiner, à prendre des photos, à les retoucher. Je me rappelle avoir voulu me reconvertir dans la Rédaction, avoir doucement caressé le rêve d'écrire des scénarios ... Tout cela me parait fou aujourd'hui. Mais je garde un petit pincement au coeur quand j'imagine ne pas avoir lâché prise. Nous faisons tous des choix. J'ai tellement l'impression d'avoir choisi la sécurité au mépris de la création et de l'esprit. 

Je voyagerais tellement plus souvent aussi. Evidemment mes métiers aléatoires, saisonniers, me permettraient de m'évader plus loin, plus longtemps ... Et j'emmènerais mes enfants partout avec moi, leur ferais découvrir le monde en même temps qu'il m'éblouit. Je ne le fais pas. Et je me trouve toutes les excuses. Le temps, l'argent, l'énergie, je diffère, encore et encore.

Si je m'en laissais le droit, je laisserais de côté absolument tout ce que l'on peut penser de moi, de mes pratiques, de mes idéaux, je vivrais aussi libre que n'importe quel être en a le droit. 
Si je pouvais laisser mon imagination dessiner les grandes lignes de ma vie, je ne serais pas disloquée entre mon passé, mon présent, et l'avenir qui pourrait être plein de promesses. 
Aujourd'hui, j'ai surtout l'impression que ma vie ne m'appartient pas. Et que presque partout dans le monde, c'est le cas de la majorité des personnes. J'aurais aimé me sentir libre dans une société qui prône des valeurs humaines, et savoir que mon prochain bénéficie des mêmes opportunités et libertés que moi. C'est définitivement le rêve que je n'arriverai jamais à atteindre.

A priori, je suis libre de m'épancher ici, et finalement ne sachant pas jusqu'à quand, je n'ai pas de raison de m'en priver !
Je ne garde qu'un seul espoir, c'est que les générations à venir sachent conquérir toute la liberté qui leur est due. Un jour quelqu'un a dit et écrit : "Les Hommes (et pourquoi pas les Femmes) naissent et demeurent libres et égaux en droits." Après mûre réflexion, on est bien loin du compte ... 

Quoiqu'il advienne, le 1er avril 2020 à 20h13, je suis libre de m'ouvrir une bière et de fumer une cigarette sur mon balcon, et ça, c'est déjà pas mal à qui veut bien le considérer !

Vous souhaitant de doux rêves et une joyeuse liberté.



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