Dialogue et Auto-consternation

 

- Comment vas-tu en ces beaux jours ensoleillés ?
- Je vais, je survole, je me sens en demi-teinte ... Et toi ?
- Moi, je profite de ces rayons de soleil teintés de joie pour me recharger en sourire.
- Cela me manque de rire, beaucoup. C'est l'émotion que j'aime le plus.
- Qu'est-ce qui t'en empêche ?
- Je ne sais pas, une sensation paralysante de vide en moi ...
- De vide ? Comment peux-tu être vide ? Avec la vie remplie que tu as.
- Et pourtant, il me manque quelque chose, une pièce, un ingrédient, pour être à nouveau capable de percevoir les énergies qui m'entourent.
- Tu as toujours été comme ça ?
- Non, heureusement, j'ai vécu des moments magiques, qui m'ont remplis de bonheur, qui ont mis mon anxiété et ma méfiance sur pause, le temps de profiter des ces minutes éphémères.
- Alors pourquoi tu ne t'en nourris pas ? Quand la vie te paraît un peu plus vide, d'aller chercher en toi ce qui t'as fait te sentir bien un jour, c'est la recette pour rouvrir ton appétit de nouveaux bonheurs.
- C'est dangereux la nostalgie, ça te maintient dans le passé, et ça t'empêche de t'ouvrir à l'inattendu. Je n'ai pas envie d'être dans le souvenir. Je ressens une envie grandissante de bon là maintenant, de quelque chose de nourrissant, de rassasiant, aujourd'hui.
- Tu sais ce que c'est cet "ingrédient" qui te manque ? 
- Peut-être mais je ne suis plus sûre de rien. La perte, la déception, les larmes ont semé le doute dans mes envies.
- Tu dis que tu ne veux pas être dans la nostalgie, pourtant tu as l'air bloqué sur des évènements passés.
- Oui un peu. Beaucoup. J'ai du mal à digérer le sentiment d'échec qui s'associe à un bonheur qui ne fait que passer, pour te laisser encore plus cassée qu'avant son arrivée.
- Le crois-tu vraiment ? Si cela a fait ton bonheur un instant, même gâché, ce qui a été, reste, tout comme les blessures. Mais tu te laisses guider par tes blessures. Es-tu seulement capable de vivre dans l'instant présent ? ou répètes-tu cette formule à la mode pour dissimuler ta fragilité ?
- J'ai beaucoup travaillé à digérer mon histoire, et j'arrive aujourd'hui à dégager de bons souvenirs d'un lointain passé qui m'a souvent dévasté. Mais j'avoue que ces dernières années m'ont fragilisé sur d'autres points. Je tente de préserver mon environnement en rendant le quotidien le plus cohérent possible, ce dont j'ai manqué enfant. Ce n'est pas ça être maman ?
- Être maman ? Mais tu es une personne avant tout ! Croquer la vie à pleine dent n'a jamais empêché personne d'être un bon parent, tout en protégeant sa famille ? Vivre c'est prendre des risques ? Sinon il ne te reste plus qu'à t'allonger dans un cercueil et attendre la mort ! Personne n'attend de toi que tu restes immobile dans un monde vide et ne pas déranger, c'est absurde de l'envisager.
- Prendre des risques ... Seule, c'est beaucoup moins excitant. C'est comme si mon équilibre entier reposait sur l'échange et l'interaction. Comme le rire ! Te marres-tu souvent seule toi ? Non, évidemment. Sauf si ce n'est au souvenir d'un instant drôle que tu as partagé avec quelqu'un, non ?
- Ce que tu dis n'a pas de sens. Tu ne veux pas prendre de risque et te laisser vivre pour toi uniquement, et tu ne comptes que sur le partage, mais tu restes planquée dans ta bulle, tu es là sans être là. C'est irrespectueux pour les personnes qui t'aiment, et qui sont là, près de toi. Tu vas finir seule dans ton coin, juste à cause de ta peur de l'echec. C'est dommage.
- Ne me pose pas de question si tu ne veux pas entendre mes réponses. C'est ce que je ressens, ce n'est pas une stratégie.
- Oui, bien sure, il faut t'écouter, je suis bien d'accord. Mais je ne suis pas convaincue que celle qui a la voix qui porte le plus dans ta tête en ce moment soit vraiment celle qui te veut le plus de bien. Tu n'as pas l'impression de gaspiller de l'énergie à rester reclue dans tes certitudes de trouillarde blessée ?
- Très bien alors donne-la moi, toi, la recette miracle pour faire taire cette voix qui me dit de rester prudente, et qui me rappelle sans cesse que si je me donne trop, je me casse les dents, pour ne pas dire le cœur. 
- Je n'ai pas de recette miracle, je sais juste que je ne sais rien, que personne ne sait de quoi est fait demain, et qu'en gardant les portes fermées, tu restes en effet dans un environnement que tu maîtrises, mais où tu ne laisses aucune chance à la vie de te prouver qu'elle sait se faire pardonner. Sincèrement, qu'as-tu à perdre à te laisser aller ?
- Tout. Moi, le respect de mes enfants, l'empathie de mes amies, le peu de foi qu'il me reste en l'amour ...
- Ah c'est donc ça ! Tu as peur de ne plus aimer ? Et comment peux-tu penser que les gens qui t'aiment te tournent le dos parce que tu fais ce que bon te semble ? C'est pareil, ça ne tient pas la route. Tes qualités ne sont pas balayées par quelques envies narcissiques. Tu leur en veux toi à tes amies quand elles font quelque chose sans te concerter qui ne fait pas partie de ta façon de voir les choses ? Est-ce que les prises de risques de tes amies te font perdre l'immense admiration que tu as pour elles ? Non, j'en suis sure ! En amour c'est pareil, enfin je te l'accorde pas tout à fait.
- Ce qui me pèse le plus; c'est ce sentiment qu'il reste chaque fois que je suis malheureuse, dévastée, que je suis l'instigatrice de mon propre malheur. C'est tout ce qui m'habite, la culpabilité. La culpabilité d'avoir fait du mal, de ne récolter que le fruit des mes mauvaises attitudes. Alors, je trouve un nombre de raisons innombrables de rester dans mon coin pour ne pas faire de vague à nouveau, ne plus souffrir, ne pas avoir encore ce sentiment de tout abîmer. Même si je sais que tout n'est pas toujours de ma faute, c'est tout de même ce qu'il reste.
- C'est extrêmement narcissique la culpabilité. Bien sure que tout n'est pas de ta faute, pour la simple et bonne raison, que tu n'es pas le centre du monde, et que chacun porte son histoire. Tu n'es ni le problème, ni la solution à tout et tout le monde. Vis plus simplement s'il te plait !
- C'est vrai, tu as raison. Je sais le faire pourtant me laisser porter par le monde qui m'entoure. Mais je veux me sentir ancrer dans le moment, et ne pas me sentir en dehors. Et puis, il restera toujours cette sensation de ne pas avoir totalement vécu les choses, de ne pas vraiment comprendre ce qu'il se passe. Parce qu'il me manque l'ingrédient. Et ça rien de ce que tu pourras dire n'y changera rien, ce n'est pas de ton ressort. Je peux prendre tous les risques du monde, et ouvrir toutes les portes, si ce n'est pas ma pièce manquante derrière celle-ci, la sensation de vide perdurera. C'est ainsi et pas autrement.
- Tu es un cas désespéré et désespérant. Et pourtant c'est comme ça que les gens t'aiment. Personnellement, tu me fais autant rire que pleurer. Ta lucidité teintée d'infantilité me fatiguent, et m'attendrissent à la fois.
- Je sais.
- J'espère vraiment que tu trouveras ton équilibre, ta petite voix intérieure qui te nourrit et t'anime. Je refuse de te voir passer à côté de ta vie.
- Je ne désespère pas, tu sais, de dépasser chaque obstacle, chaque chapitre, pour du mieux. Je suis peut-être dans une phase désabusée qui fait remonter des blessures affectives, et mon manque de confiance en moi, en les autres aussi, mais je sais que demain est tout près, et que bientôt, je me retournerai pour regarder du coin de l'œil ce mauvais épisode avec un brin de compassion envers ma naïveté. 
- C'est vrai ? Tu crois vraiment à ce que tu me dis là ?
- Je te le promets. A quoi servirait de parler avec toi si c'est pour te mentir ? J'ai les autres pour ça.
- Alors je ne vais pas m'inquiéter, et attendre patiemment que tu y arrives.
- Ne vas pas trop loin, j'aime bien cette dose d'espoir que tu m'insuffles.
- Tu sais bien que je suis là, c'est juste que, parfois, tu m'oublies.
- Merci de rester malgré tout ... à très vite.
- Prends soin de toi.

Les voix dans ma tête

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