Allô ? Oui, c’est moi


Au quotidien, je sais reconnaître les signes. Les jours où tout va bien, où le cerveau est sur des rails, rien, étonnamment rien du tout. Et puis, ils commencent à pointer leur nez, quelques secondes. Ils passent la tête en dehors du trou, pour se targuer de n’être que cachés, et non entérinés comme on l’espère. Et au moindre coup de fatigue, quelques jours par monts et par vaux, le vase contenant ce trop plein d’émotions commence à se fissurer. Elles se bousculent pour étouffer la poitrine à tel point qu’il est impossible d’identifier, de mettre un nom sur ces sensations. Elles sont là et se montrent oppressantes.

Je ressens un peu de vanité quand je parle de mon hyper émotivité, au moment où tout va bien, où elle se fait silencieuse qu’il est facile de l’afficher, sous-titrée d’un petit « moi j’assume, je gère… ». Tout devient plus ardu quand elle vous écrase le corps et l’esprit. Là, c’est la honte qui prend le plus de place. Mais pourquoi la honte ? Parce que la culpabilité de ne pas contenir, de ne pas comprendre ces débordements. Alors je me terre, je me réfugie dans des valeurs sures, sans surprise : celles du quotidien.


Pourtant, même là, dans cette cuisine, le bruit de l’eau qui s’énerve dans la bouilloire, en train d’essuyer quelques couteaux encore humides, et les mots du chroniqueur qui nous expose sa revue de presse font naître en moi des images, qui deviennent vivantes, et invitent à nouveau ce trop plein d’émotions poussant les larmes au bord des yeux. C’est là, que je m’arrête, j’écoute ce qui se passe en moi, je me regarde dans les yeux, pour me dire dans un éclair de lucidité : « ah ! Mais je suis en crise en fait ? ».


Je riais seule il y a quelques jours quand j’envoyais un message à une amie pour la faire sourire de mes facéties, quand les larmes se mirent à rouler sur mes joues à l’écoute de « Sunday Bloody Sunday » de U2. Non pas parce que les notes me rappellent à la nostalgie d’un moment passé. Non, uniquement parce que je n’ai pas voulu voir le début de la crise se manifester. Comment la reconnaître ? Les détails deviennent plus forts, plus intenses, raisonnent, rebondissent à l’intérieur de son être, nous ébranlent pour créer une réaction. Je pourrais contenir cette réaction, mais je sais avec les années qui passent, et les différents travaux introspectifs, que contenir c’est fabriquer une bombe à retardement qui, lorsqu’elle explosera fera bien plus de dégâts que si je la laisse s’exprimer.


L’écriture m’aide à guider ces crises vers l’apaisement. En verbalisant, en tête à tête avec moi-même devant un écran j’apprends à ne plus avoir honte de ce fonctionnement, que je ne peux, que je ne cherche plus à contrôler. Je laisse cette confusion interne s’exprimer, pour mieux l’organiser et vivre avec. Il n’y a pas d’explication rationnelle à la manifestation de ces crises, mais je découvre que l’accepter, c’est commencer à mieux vivre avec …


Alors laissons ces ondulations encéphaliques exister, devant une série, un film, en écoutant un morceau de musique, une émission de radio, à la lecture d’un article, d’une nouvelle, face au souvenir d’un instant triste ou heureux, à l’idée d’un échec, à la peur d’une projection d’avenir, au doute de la sincérité d’un être que l’on juge important. Sans oublier toutes celles qui se disputent la part belle à l’observation de ces êtres exceptionnels que nous ne voudrions que protéger constamment mais qui à force de grandir suscitent autant de bonheur que d’inquiétude. Ils sont à eux seuls un univers entier d’émotions et de vie … je m’en repais.


Voilà, j’ai parlé à ma crise, non pas pour la stopper dans son élan, mais uniquement pour dire à l’un des coloc’ logé là-haut, que c’est bon, j’ai vu, que ce soit le bon moment ou non. Ça rend les heures, et les minutes plus douces, cela rend ce festival d’émotions presque attachant. Cette fin d’année est vraiment très intéressante, totalement axée sous un angle nouveau qui m’intrigue.


Premier Noël seule, et la meilleure occasion de s’offrir le droit d’exister …


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