Minuit, tout est permis

 


On se dit que pour avancer, il ne faut pas regarder en arrière, l’exercice n’est pas aisé. Pour savoir si j’ai fait des progrès dans ma façon d’appréhender le monde, je suis obligée de me replonger dans des situations, des états passés. Et ça n’a rien d’agréable, surtout pour constater que la progression n’est pas fulgurante. Certains diront qu’il faut rester fidèle à sa façon d’être, ne pas chercher à changer, sauf que.

Sauf qu’il arrive que ce soit vital de modifier son fonctionnement, pour enfin percevoir ce qui est bon pour nous et arrêter de reproduire des schémas incohérents qui ne font que nous disloquer. Quand arrêterais-je de me faire piéger par ma folle envie d’aventures, qui se révèle être plus déstabilisante que constructive ? Des aventures, pour vivre de nouvelles expériences, positives, et belles, oui pourquoi pas. Mais cela reste délicieux quand c’est inscrit dans l’envie et le choix, non pas quand cela reste subit et de surcroit pas toujours teinté de bonnes intentions.

Je reste quelqu’un de réfractaire au choix, sauf quand il s’agit de rebondir sur une proposition. Mais je ne comprends pas d’où vient cette incapacité à dessiner le cadre en amont. Et ce n’est pas une question de contrôle car il est bien plus simple de garder les manettes quand on se retrouve au milieu de plusieurs décisions invitées par d’autres. Le problème n’est pas de savoir dire oui ou non, la nuance est dans la connaissance de soi et de ses envies.

Je ne voudrais pas opter pour la réclusion à perpétuité dans mon cocon par simple crainte de me faire kidnapper par les envies d’autrui. Mais je comprends au fur et à mesure de l’exploration de ce que je suis, et de ce que je souhaite, que c’est le choix le plus simple quand on n’a jamais vraiment su où l’on veut aller. J’ai une aversion pour les plans sur la comète sur 10 ans, millimétrés et sans surprise. Mais il doit bien y avoir un moyen de découvrir le juste milieu, entre bloquer l’entrée à l‘inconnu ou baliser la moindre minute de sa vie.

J’ai une chance incroyable d’avoir rencontré les meilleur.e.s ami.e.s qu’il puisse exister (ou tout du moins correspondre à ma vision du bonheur). Je reste handicapée à l’étage du sentiment amoureux, me retrouvant successivement dans des situations les plus alambiquées imaginables. J’en arrive à croire que je suis incompatible avec quiconque vit sur cette planète. Ou peut-être ne suis-je pas née à la bonne époque, l’ère du numérique et de la communication instantanée et hypocrite me dépassant complètement.

Je ne cautionne pas (plus, pour être honnête) la relation béquille qui rassure au quotidien, laissant de côté toute forme d’individualité, et de plaisir, enfin à mon sens. Et je n’aspire pas non plus à des relations complètement libres où chacun des êtres vit une existence parallèle sans partager un élan d’envies communes. Les deux m’asphyxient. Je sais bien que rien, ni personne ne peut nous empêcher de construire la relation amoureuse à laquelle on aspire. Encore faut-il croiser le chemin de semblables ayant des aspirations s’en approchant. Et je suis lasse de me fourvoyer dans chaque rencontre qui ne mène à rien, et coûte plus qu’elle ne nourrit.

C’est comme si je ressentais l’incompatibilité de la liberté et la loyauté dans une histoire d’amour. Est-ce que j’aspire à vivre une nouvelle histoire malgré ces pensées ? Oui, surement, c’est humain. Mais à cet instant cela me parait complètement improbable. J’ai usé la totalité de ma réserve à espoir, alors je vis la joie autrement, même si je sais très bien que sans aimer ou être aimée je ne me sens pas complète, je n’ai plus d’énergie à consacrer à ce doux rêve et à sa mise en œuvre.

Cela doit apparaitre surement amer comme discours, mais j’ai de bonnes excuses pour l’être, et je ne le suis même pas vraiment. Je me tiens à l’écart des probabilités d’y laisser (encore) des plumes, pour vivre un peu plus sereinement un quotidien, qui certes manque de rapports humains charnels, mais dans lequel je ne respire plus au rythme de l’angoisse tout perdre.

Et franchement, qui aurait envie de surmonter une telle muraille de ressentiments pour se retrouver confronter aux interrogations existentielles d’une allumée de la carafe ? Je ne me vois pas faire subir tout ça à qui que ce soit, et je n’envisage plus de devenir la gentille, douce et calme petite copine dévouée ; j’ai quarante balais bien tassés, même si j’aspire à l’amélioration de mon mental, je ne conçois plus de me métamorphoser en un hybride à l’opposé de ma mécanique de base.

Et à ce propos, je ne comprends définitivement pas les personnes qui, par envie dévorante, veulent absolument paraitre ce qu’elles ne sont pas, pour tout dévaster quand le masque tombe. Je suis de nature compréhensive et empathique, mais c’est un travers qui me dépasse tellement que je le rejette en tout point. Je suis devenue mythophobe.

Alors pour le moment, j’opte pour l’autarcie affective, je m’inquiète un peu de la longévité de cette posture, mais ça ne m’empêche pas de profiter de chaque jour qui se lève. Je vais donc me délecter de cette nouvelle nuit de congés d’été, du matin qui la suit, et ainsi de suite.

Rien n’est écrit, et la prudence est de mise.



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