Clair obscur

Pourquoi n'a-t-on jamais réellement le droit de dire ce que l'on pense au moment où on le pense ?
Aussi loin que je me souvienne, j'ai tenté de refréner cet instinct primaire incontrôlable qui se manifeste à des moments toujours impromptus. Je me rappelle à l4 ans avoir couvert les murs de ma chambre d'ado de post-it me signifiants à l'impératif les comportements à adopter pour apprendre à gérer mes relations en société : "faire-ci", "pas ça", "dire ceci", et "pas cela" ... Comme si tout ce qui pouvait sortir spontanément de ma personne ne pouvait que contrarier les personnes qui m'entouraient, comme si le naturel qui m'était propre n'avait rien "d'acceptable" ?!
J'ai toujours eu une folle passion pour la liberté ... de penser, de dire, de faire, de croire ... Me faisant accuser au passage d'égoïsme ou de crime aggravé d'utopie préméditée. Et pourtant, si j'avais su être plus égoïste, ma vie ne serait sûrement pas la même ... Mes blessures non plus. Pour ce qui est de l'utopie, ça ne m'a jamais déranger ... idéaliser, rêver, aspirer à toujours mieux, c'est encore un joli défaut, je n'ai qu'un regret c'est de l'avoir un peu laisser tomber ces dernières années.
Mais bordel, c'est vrai qu'on a qu'une seule vie, et autant en faire ce qu'on en veut non ? Sans pour autant la gâcher ni celle des autres ... cela doit bien être possible ? Non, on n'a pas le droit d'imaginer  vivre une vie qui nous ressemble sans forcément rentrer dans toutes les cases ? Certaines sont très confortables, soit, mais la plupart sont tellement étriquées, asphyxiantes, on y sent le renfermé, on n'y voit pas à 2 cm, pas possible d'y penser correctement, on se contente de se contorsionner pour y rentrer, et trouver cela complètement normal. Alors qu'en réalité, il n'y a rien de "naturel" à suivre certaines pistes, il s'agit juste de conditionnement et de toute la terreur qui s'empare de nous quand on s'imagine une seconde emprunter un autre chemin, moins défini, moins bordé ...
MERDE A LA FIN !!!
Il y a bien une marge de manoeuvre entre l'anarchie et le libre-arbitre dont nous bénéficions tous à la naissance, non ?
Nous avons la chance d'être nés au sein d'une société démocratique, il s'agit bien d'exister et de penser par nous même, à un moment, quand nous sommes sur les bancs de l'école, conditionnés par toutes ces images d'une société patriarcale judeo-chrétienne, on y étudie aussi des classiques, des contemporains, des grands(e)s qui n'auraient jamais été en mesure de faire, écrire, construire, inventer, constituer, vaincre, créer toute l'oeuvre de leur vie et par voie de conséquence de la notre s'ils s'étaient contentés de rester au milieu de routes bien tracées !
Nous nous ne pouvons sûrement pas avoir la prétention de marquer notre époque, où même les personnes qui croisent nos routes, mais nous pouvons peut-être essayer d'avoir un peu plus d'imagination ... Et de spontanéité ?!
Aujourd'hui, j'ai eu envie de dire à un homme à quel point je le trouvais obtus, antipathique, foncièrement irritant, à l'antipode de tout ce que je conçois d'humain ... Surtout au moment où je me suis faite réprimander comme au temps des bancs de lycée pour une histoire d'inattention passagère. Réprimander, à 34 ans, quel drôle de "madeleine de Proust", pour me replonger immédiatement dans mes coups de gueule passés, mes indignations théâtrales, tout le plaisir que j'avais à bousculer le plat d'une journée ennuyeuse d'une élève dans une ville grise et déprimante. Je saisissais la moindre occasion de mettre un grand coup de latte dans la fourmilière et de devoir en assumer les conséquences au passage. Pas facile touts les jours. C'est surement pour avoir un peu la paix que j'ai mis le couvercle sur la cocotte minute et que j'ai appris à gérer la "surpression". Mais avec ce "contrôle" se sont envolées aussi les occasions formuler le fond de ma pensée, et donc le délice de la provocation. C'est moche de vieillir ...
Bref, aujourd'hui j'ai eu envie de dire à un homme que son autorité à deux balles n'impressionnait que les moutons d'un troupeau mal gardé ... Mais j'ai vieilli, et j'ai appris à poser le couvercle ... Et je me suis contentée de lui sourire en le regardant dans les yeux pendant qu'il tentait vainement de m'impressionner (il n'a pas connu mon grand-père celui-là !) ; sourire qui en disait bien plus long que d'inutiles paroles qu'il n'aurait peut-être même pas été en mesure de comprendre.

Certains diront que trop penser, c'est se prendre la tête pour rien, moi je trouve cela tellement bon de retourner toutes les théories, les situations, se repasser le film en avant, en arrière, en accéléré, au ralenti, se servir de sa tête c'est une liberté qui n'a pas de prix.

Mais ce qu'il y a de meilleur, c'est l'échange de tout ce fatras de mots qui se bousculent !

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