Jeux Interdits

Page blanche, tête en vrac, idées en pagailles, âme en peine, conscience léthargique, électrocardiogramme épileptique, et j'en passe.
Je suis dans l'incapacité totale de qualifier les mouvements ambulants de mon esprit à l'instant présent. Je me pose mille questions comme la plupart d'entre nous, sur tout, sur rien d'important, sur moi, les autres, ce qui m'entoure, ce qui n'est pas. Et cette année en roue libre est venue secouer mon lâché-prise comme on remue une boule à neige poussiéreuse, ramenée d'un voyage passé, et oubliée sur l'étagère des souvenirs obsolètes et kitchs d'une vie que je pensais figée. Figée dans la normalité, et le conformisme, mutique, paralysée par la peur de devoir tout affronter seule ... Puis il y a eu 2016 pleine d'efforts et d'obligations ; et 2017 est venue sans crier gare, me pousser dans le vide par surprise.

A trois mois des fêtes des fins d'années, je reste totalement apostrophée par la vitesse à laquelle il a fallu tourner les pages du calendrier sans avoir eu vraiment le temps de reprendre mon souffle, et encore étourdie par le tourbillon des aventures qui ont croisé mon chemin, sans avoir vraiment provoqué quoique ce soit, en me laissant seulement porter par la spontanéité de la créativité de chacun. J'ai le sentiment d'avoir flotté sur l'eau tout juste à l'abri d'une barque fragile, tantôt prise dans les houles d'évènements puissants, puis séchant tranquillement sous de doux rayons, caressant la surface du bout des doigts le temps de quelques instants de paix et de plénitude ... L'embarcation trop précaire a fini par prendre l'eau, doucement mais surement, m'obligeant à me rapprocher de la rive pour retrouver la terre ferme et sa réalité, plus rude, mais plus certaine. Etait-ce un lac, une rivière, un fleuve, un océan ? Ayant quitter le plancher des vaches depuis quelques temps, je n'ai pas encore retrouver les forces suffisantes pour me redresser d'un pied solide, et en tirer un quelconque enseignement. Je suis assise là, à me demander ce que j'ai fait pendant presque 9 mois, à tenter de me rappeler comment j'ai pu me perdre si loin, et essayant de trouver l'énergie nécessaire pour me relever et reprendre ma route, une nouvelle voie, ne sachant désespérément pas laquelle suivre.

Aurais-je pris autant de temps dans le passé à me demander ce que j'allais faire de mon existence pour la rendre excitante et essentielle, pour me retrouver aujourd'hui piéger par mes craintes les plus profondes ? En 2017, j'ai retrouvé le gout de rêver, d'espérer, de croire, d'imaginer que tout était possible, mais à quoi bon faire fructifier sa matière grise et son coeur, si ce n'est pour ne jamais rien réaliser. Peut-être suis-je un peu dure avec moi-même, n'ayant pas passé ces trente-sept dernières semaines enfermée seule dans une cave. Mais concrètement je n'ai posé aucune brique, aucune base, fait aucun plan, me suis contentée de remettre à après-demain toutes prises de décision et actions constructives. Je n'ai rien entrepris, me suis laissée flotter et me retrouve bien dépourvue à l'heure de me regarder dans le miroir, seule, avec ce sens critique qui me caractérise et qui ne fait aucun cadeau, pas plus aux autres qu'à son propre donneur d'ordre.

L'année de mes 37 ans, j'ai joué ... avec les allumettes, avec les écrans, avec les notes de musique, avec le hasard, avec des inconnus, avec les limites du raisonnable, avec mes nerfs. J'ai lancé des pièces en l'air, secouer des mages en plastiques pour leur faire avouer des vérités imaginaires, j'ai confié mes décisions à un néant de réalisme, et me suis laissée tenter par des théories improbables. C'est cela aussi la vie. Et jusqu'ici je l'ignorais. Il arrive un moment où pour pouvoir réécrire son après-demain, il faut abandonner son quotidien, et tous les repères répétitifs qui l'accompagnent. 

Alors que je n'ai rien de plus qu'hier, me serais-je davantage retrouvée ? Il est trop tôt pour mon âme endolorie de tirer les enseignements de ces 263 jours écoulés, le cerveau encore engourdi de toutes les informations qu'il a du ingurgiter de gré ou de force tel au retour d'un séminaire introspectif, intensif ; le coeur alourdi de sentiments illégitimes insidieusement infiltrés entre chaque veine, artère, et que plusieurs pontages que sont les jours qui passent viendront libérer pour laisser les souvenirs remplacés les regrets ; le corps courbatu de ses efforts à devoir porter seul le poids de tant d'expériences, d'interrogations, soldées par les réponses imposées d'une réalité sans état d'âme. 

Et après une récréation plus que généreuse où j'ai eu le loisir d'enfiler toutes une série de costumes, de m'essayer à des jeux de rôles infantiles, de tester des jouets pour adultes, mon goût pour des lendemains sans responsabilité et sans engagement s'en retrouve quelque peu altéré. 

Réussirais-je après tout ça à profiter d'une vie d'adulte jouissant d'un doux équilibre entre l'insouciance de l'inattendu, la cohérence de mes aspirations, et l'indéfectibilité de mes responsabilités ? Mais qu'est-ce donc exactement être adulte ? Renoncer à l'utopie des beaux sentiments ou accepter la rareté de ces derniers, se passionner pour sa vie professionnelle, ou se sur-investir pour ses passions ... rêver ou agir ?
Il me reste donc 102 jours pour continuer à méditer sur ces ultimes questionnements, avant de refermer ce chapitre riche et éprouvant à la fois. 102 jours pour profiter des derniers instants de récréation, mais peut-être en évitant de jouer trop prêt de la boue ou avec des camarades trop rudes. Il faut respecter ses propres limites quand on porte encore les ecchymoses de ses erreurs d'appréciations.

Je vais rester encore quelques instants sur le banc, là, à l'abri du bruit, et des jeux trop tumultueux, juste encore un peu, reprendre ma respiration, coupée par un violent coup à la poitrine ... Un peu de calme, les sourires des amis, les attentions des êtres chers, et la multitude d'opportunités de petits bonheurs devraient suffire à retrouver le gout du jeu.

102 jours de crédit ... un peu plus de trois mois et tant de possibilités inattendues ... ou pas. Heureusement, rien n'est écrit.



Commentaires

Articles les plus consultés