Songeries ibériques

Les enfants ont repris le chemin de l'école. 
La plupart d'entre nous avons retrouvé nos quotidiens ordonnés par les horaires de nos obligations alimentaires. Car soyons ce qu'il y a de plus honnêtes, rares sont les privilégiés qui ont réussi à payer leurs factures grâce à leurs rêves, passions, arts ... Privilégiés ou courageux, quoiqu'il en soit, enviables à souhait. J'apprécie mon travail, j'ai même du plaisir à m'y rendre et à côtoyer mes collègues, qui de temps à autre deviennent des acteurs importants, voir des premiers rôles dans ma vie. Mais je ne peux pas dire que je jouisse de vivre matériellement grâce à une activité qui me caractérise et m'anime. Il m'arrive d'ailleurs très régulièrement de me demander ce qui me passionne vraiment, alors de là à en vivre ! Il y a longtemps, dans une autre vie, j'ai espéré pouvoir me lancer dans la photographie et l'écriture, mon rêve était de devenir photographe de plateau de cinéma, et d'écrire des scénarios ! Utopie successivement étouffée par un non-encouragement de mon ex-binôme, un manque de confiance en mon travail, l'arrivée future et certaine de mini-moi et une perte totale d'envie de prendre des risques dans mon quotidien. 

Ma vie a pris un tout autre sens depuis 3 ans, et continue de m'étonner par la multitudes d'opportunités d'expériences qu'elle m'apporte. Je suis conquise par la liberté de penser et d'agir qui s'est imposée à moi, sans que je n'eu réellement à y réfléchir. La liberté est terrifiante. Nous nous enfermons dans des prisons dorées dont les murs sont fait de règles, de lois et de principes que nous avons assemblés nous-mêmes, solidement scellés par le ciment de notre éducation et des images qui nous sont inculquées à peine sortis de notre confortable cocon organique maternelle. Sans fenêtre sur l'inconnu qui sort de notre champ de compréhension, fuyant du regard ceux qui ont eu l'envie, le courage ou tout simplement l'opportunité de vivre ailleurs et autrement qu'enfermés dans une partie de jeux de rôles trop lisse et sans saveur. Mais quand on doit réécrire ses propres règles sans une notice bien établie, la tâche est plus ardue, et il est souvent plus simple de baisser les bras et de retourner dans des carcans rassurants.  

J'aimerais avoir l'ambition et la ténacité de suivre toutes mes aspirations, bien plus artistiques et bien moins matérielles que les partitions de mon quotidien actuel. Regardant la réalité dans le blanc des yeux, je m'aperçois qu'il est bien inutile de trop rêver sans jamais concrétiser, les minutes fusent à toute vitesse, sans vraiment ne laisser le temps à l'hésitation. Hésitation qui s'apparente de plus en plus à de la lâcheté, et qui m'est chaque fois que j'y pense plus antipathique. Je me suis promise de ne plus vivre dans l'impatience et la précipitation, mais le besoin d'emboiter des pièces d'un puzzle qui me ressemble et m'épanouit davantage, se fait sentir plus pressant, plus présent. Je sais que je dois me laisser encore quelques années avant de me lancer dans ce vide que sont ces projets moins cartésiens et bien plus risqués que tout ceux que j'ai mené jusqu'ici ; bien que je n'ai pas eu souvent l'occasion de m'ennuyer, mes différentes réalisations n'ont pas la prétentions d'être très éloignées de modèles assez ordinaires.  Un jour, il me faudra arrêter d'imaginer, et commencer à acter si je veux à mon tour me lever le matin pour regarder la vie avec ce sentiment de sérénité d'avoir enfin conquis mon territoire, d'avoir construit mon château en Espagne.

Quand j'étais enfant, j'avais déjà pleinement conscience que je n'avais pas des parents "ordinaires", qui me délivraient une éducation, tout aussi peu orthodoxe. Je me souviens à ce titre m'être souvent sentie très différente des autres enfants, polis, disciplinés, souriants en société d'adultes, perfides dans les cours de récréation ; et toujours plus à l'âge de la post adolescence où l'on rencontre ses premiers conflits parentaux pour sortir de règles trop lourdes et commencer à inscrire les siennes dans l'âge adulte qui s'annonçait, quand pour ma part, j'essayais seulement de comprendre comment j'allais pouvoir affronter cette vie d'adulte qui me terrifiait et qui en réalité s'était invitée bien trop tôt dans mon histoire. Et ce n'est que vers l'âge de vingt ans que j'ai commencé à me servir de cette chance que m'ont offert mes parents de penser par moi-même, de prendre chacune de mes décisions, et de comprendre qu'on n'a de limites que celles que l'on s'impose. Mes parents m'ont fait cet énorme cadeau, malgré eux, de me montrer le chemin d'une vie forte, intense, en relief et sans auto-guidage. Chez moi, on m'a appris à vivre, ressentir, m'exprimer, être critique, respecter, écouter, regarder, et admirer. Chez moi, on n'a pas toujours été où il fallait quand il le fallait, mais on m'a inoculé tant d'amour que c'est toujours avec une joie incommensurable que je retrouve les membres de ma famille hors du commun. 

Chacun de ces trois protagonistes m'a transmis toute cette envie de vivre les choses pleinement quand elles se présentent, parce que nous n'avons que rarement la même occasion qui se présente deux fois de laisser la nouveauté entrer dans notre vie. Nouveauté qui, si nous la laissons danser dans notre univers et qu'elle réussit à nous conquérir, peut devenir un leitmotiv et s'ancrer dans nos jours et nos nuits. Les circonstances ne sont pas toujours favorables à un changement de plan, à une bifurcation, à un chamboulement ; il se peut tout aussi facilement que la porte qui s'est ouverte sur un royaume de découvertes, de beautés, et de joies, révèle son lot d'embûches, de peines et de blessures. Quand l'on décide de se lancer sur une voie peu empruntée et inconnue, ce n'est pas parce qu'elle révèle un paysage de bonheur qu'elle sera facile à suivre sans aucune difficulté. 
A l'échelle de l'univers nous sommes tous plus insignifiants les uns que les autres, mais nous avons la chance incroyable d'être dotés d'un cerveau lui même capable d'évaluer les éléments qui nous entourent et le temps qui passe. Les deux seules clés nécessaires pour mener une existence, courte, mais riche du sens qu'on lui donne. Dans ce laps de temps infime, où nous avons ce luxe immense de jouir de tous nos sens, et plus encore, il est d'autant plus magique de pouvoir en partager toute la saveur.

Je n'avais aucun sujet quand j'ai débuté ce post, et maintenant que je l'achève je me demande même si j'ai vraiment traité un sujet bien précis. Confrontée à mes propres freins, et aux geôles cérébrales des personnes qui m'entourent, j'ai eu envie de m'y attarder. Il y a les personnes qui m'agacent à tenter consciemment ou non, de m'inviter dans leur cachot à coup de jugements personnels s'approchant plus de la chaîne cadenassée que de l'idée éprouvée et étayée. Et il y a les personnes que je vois souffrir des conséquences que leurs lois intérieures leur font subir, pensant à celle dont on bafouera la gentillesse car trop dévouée, à celle qui ne saura pas avancer car prisonnière d'un modèle de vie qui ne lui correspond pas, à celle qui déraillera explosant d'asphyxie dans une vie trop plate, à celle qui fera des choix de raisons plutôt que de coeur, ne sachant pas que la raison n'a de sens que si elle est empreinte des échos que le coeur lui envoie ... 

Une seule, pas deux, pas cent, une seule vie ... Et personne pour donner de note à la fin, juste ce que l'on a vécu et comment. Il est impossible de plaire à tout le monde, de contenter chacun, de ne blesser personne. Je crois essayer d'être juste, droite et entière, et comme tout à chacun je suis perfectible dans mes considérations ... Mais la perfection ne fait pas partie de la nature, et la différence renforce l'extraordinaire.

Il reste tellement de pages à écrire, et c'est si excitant toutes ces pages blanches ... Quelqu'un aurait un stylo ?



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