L'équilibre des forces

Pourquoi n'a-t-on plus le droit d'être en peine tranquillement dans son coin ?
N'avez-vous pas remarqué ce courant qui s'étend à travers tous les canaux et médias connus ? Il est devenu totalement interdit d'être triste, et on vous déverse à longueur de journée toutes les recettes pour y remédier. C'est devenu l'état le plus illégitime, non défendable, comme si nous devions garder le contrôle sans faille sur nos ressentis, et que ces derniers devaient se résumer à seulement quelques états issus du positivisme et optimisme de base. Nous devons toujours voir le bon côté des choses, relativiser ses "petites" contrariétés", abandonner son désarroi à l'angle des rues des apparences ... Ne pas déranger avec son état fébrile qui, en se manifestant physiquement, pourrait ralentir l'effort commun d'aller "bien" ... Foutaises ! 
Dans les sentiments dits négatifs, il y a une aussi une belle palette d'états et philosophies qui aident eux aussi à se connaître, se trouver, avec une approche différente d'un séminaire "happiness", je vous l'accorde, mais qui ont tout autant de mérite et de résultats, voire davantage. Quand tout va bien, que tout me sourit, que les jours sont légers, comme tout à chacun, je me sens pousser des ailes, et j'ai l'impression que rien ne pourra venir ombrager mon horizon. J'avance, un peu insouciante des probabilités de me confronter à des difficultés, et c'est tant mieux. Pourquoi venir gâcher un quotidien ensoleillé par des pensées négatives, des peurs, angoisses, des probabilités de scénarios dramatiques et inutiles ? Alors qu'il suffit d'ouvrir grand son âme pour recevoir toutes les bonnes ondes qui nous entourent, à cet instant là. Mais en y regardant à deux fois, il est évident que cela ne me demande aucun effort, c'est quand tout va pour le mieux que je me laisse porter, bercée par le confort de ne pas avoir à me creuser les méninges pour améliorer ce qui parait à l'instant T tout à fait acceptable, sans aller chercher plus loin. 
Je pense que l'on doit laisser l'espace et le temps suffisant au chagrin pour s'exprimer, aller au bout de ce ressenti et des autres qui se succèdent après que les première se soit invitée et ait laissé la porte ouverte derrière elle. Un peu comme quand l'on apprend à conduire, et que pour la première fois un  pied sur l'accélérateur et l'autre sur l'embrayage, on m'a demandé de trouver mon point de patinage. Quand je suis malheureuse, rarement sans raison, je plonge, loin, profondément, ce qui me fait très peur quand je vais bien ; je me demande alors comment je fais pour revenir d'aussi loin à chaque fois. Et bien, je trouve mon point de patinage, le moment précis où il faut accélérer en douceur pour ne pas caler et dévaler la côte en sens inverse. 
Je ne crois pas que ce soit de la force de caractère, une personne forte, tenace ne se laisserait pas abattre, n'accepterait pas de s'effondrer pour être dans un état de faiblesse dénué de succès et vous laissant surplace, vidé, les yeux dans le vague. Je n'ai pas été profondément triste de nombreuses fois dans ma vie, fort heureusement, je serais fatiguée avant l'heure ... Je peux compter sur les doigts d'une main les tempêtes affectives qui m'ont laissé à terre, et desquelles je pensais ne pas être capable  de me remettre, voir d'en tirer un enseignement. Quelque chose, l'instinct de survie, ou une simple envie d'avancer nous permet d'avancer, de tourner la page, de digérer, d'accepter, d'oublier, de passer enfin à autre chose, et la peine devient un lointain souvenir, qu'on n'a pas toujours plaisir à évoquer à nouveau, mais qui ne pèse plus sur votre humeur du jour. 
Avec le temps, du recul, et la surprise que d'autres souffrances peuvent se cacher derrière le costume d'un quotidien naïf, je découvre que c'est à cet instant précis, après avoir sonder le fond du puit de la tristesse, alors que je  tente de sauver les apparences au travail, et devant mes deux amours (qui sont loin d'être dupes - ndlr),  que je vivote entre occupations familiales, intendance et visionnage de mauvais films, c'est maintenant que je teste mes propres limites, physiques, psychologiques et philosophiques. C'est alors que l'on a envie de rien qu'il faut aller chercher au plus profond de soi la force de retrouver l'envie, c'est quand je suis vidée de toute énergie qu'il faut retrouver le courage de se bouger, c'est quand tout parait triste et gris qu'il faut voir un avenir heureux. C'est au trente-sixième dessous qu'on retrouve la part de nous-même qui nous sourit. 
Je m'explique ... Mettre tous ces états d'âmes de côté n'a pour avantage, à part celui de "protéger" son entourage, et encore, que de fuir sa dure réalité, mais par conséquent, ne pas savoir à quoi on peut résister, d'où peut-on revenir. Et perdus dans les méandres des pensées à bannir, ils vous explosent au visage  quand il s'agit de se confronter à une difficulté inattendue ou plus intense, plus violente que celle qu'on a du débouté jusqu'ici.
Bref, peu importe qu'il soit plus agréable pour les autres de voir un sourire sur mon visage, et bien que je préférais largement que personne ne soit inquiété d'un pseudo naufrage de mon cerveau, la vie n'est pas faite que de joie, et ce qui rend cette dernière délicieuse, c'est de lui reconnaître sa volatilité indécente. 

Juste laisser faire le temps, et croire en sa soif de vivre ... Patience, j'arrive.



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