Page blanche


J'aime écrire, et jusqu'ici je pensais que c'était la chose qui me faisait le plus de bien. Pourtant je ne trouve rien à écrire, tout est vide. 
Ce vide serait-il nécessaire pour y laisser s'y inscrire de nouvelles partitions, de nouveaux scénarios ? J'ai tant de mal, comme d'autres, avec les pages blanches, sans même l'ombre d'un souffle d'inspiration. Prendre le temps de la laisser revenir d'elle même, ne pas la brusquer au risque de l'orienter vers de fausses pistes loin de ce que l'on est au plus profond de soi. 
Les gens ne changent pas, ou jamais réellement. Croirais-je encore à ce dogme selon lequel évolution il peut y avoir ? Un jour une cliente m'a dit que je n'étais jamais tout à fait la même, ni tout à fait une autre, je l'avais pris à l'époque comme un joli compliment. Aujourd'hui, j'ai la sensation de ne plus savoir ce que je suis, je me suis perdue. Je crois avoir fait beaucoup de chemin dans ma vie d'adulte, pour m'éloigner de ce personnage avec qui je ne vivais pas en harmonie à l'époque. Les sentiments qui me guidaient, m'attiraient inexorablement vers une fuite en avant pour ne pas affronter mes démons, mes peurs, mes blessures. Je me souviens même lui avoir écrit un post d'adieu il y a peut-être 8 ans de cela, sans être fâchée avec elle, juste me réjouissant de ne plus avoir de compte à lui rendre. Mais à cet instant, si je devais sortir de mon corps et m'observer de façon attentive, je ne saurais dire où tout cela m'a mené, où je suis, où je vais et comment vais-je y aller. 
J'ai compté sur cette soif de joie, cette quête de sérénité, cet espoir lumineux pour être le moteur des matins qui se lèvent ... Ces jours-ci, c'est dans le puit sans fond d'amour et de gaité de mes enfants, la bonne humeur et les jolies âmes de mes amies, la puissance de l'amour d'une mère dévouée que je puise les sursauts d'énergies qui m'aident à retrouver mon souffle. Mais avouons-le c,'est au tréfonds de soi-même que l'on doit trouver la ressource d'avancer sans vaciller, de ressentir le monde qui nous entoure, de construire son être sur des fondations solides et durables. Ceux qui nous aiment vont déployer des monstres de générosité pour pallier à nos manques, nos vides, nos douleurs, mais ne détiennent pas les clés de nos propres interrogations.
J'ai surement gravie quelques marches quatre à quatre ces dernières années, mais je suis bloquée au pied d'une nouvelle étape, et ma tête ne sait plus à quel Saint se vouer, ni quel esprit invoqué pour passer ce cap, l'impatience et l'épuisement, s'incrustant inopinément sans y avoir été invités, se passant le relais pour ne laisser la place derrière eux qu'à la confusion. Confusion qui finit d'annihiler les quelques timides idées et inspirations qui ont réussi à s'aventurer au creux de mes songes. Impatience car je ne supporte pas ce chômage technique imposé à mon cerveau si productif habituellement. Epuisement, car tel un animal gourmand, s'alimentant de façon exponentielle à la belle saison pour arborer fièrement une énergie respectée de tous ses congénères, et qui rentre en hibernation quand la pénurie se fait se sentir pour s'économiser quelques temps, je sens cette fatigue s'abattre sur moi, le corps et l'esprit lassé de n'avoir rien sous la main pour produire son propre carburant.
Je sors de mon corps, je me regarde, je me trouve si triste, et je déteste cela. Pas triste au sens romantique du terme, mais plutôt triste comme maussade et blafarde. La seule solution que j'ai trouvé pour y pallier c'est de refuser d'affronter, de me forcer à oublier, de me convaincre qu'à force de faire semblant, les rires, la légèreté et la joie viendront doucement et naturellement remplacer les apparences trompeuses, pour enfin redevenir un état essentiel, comme je l'aime tant. 
Redevenir ... Redevient-on réellement exactement la même personne après une étape importante de sa vie ? Je ne crois pas. On peut essayer de reprendre les choses là où on les a laissé, quelque chose à changer au plus profond de nous, "plus tout à fait la même", et les nouveaux éléments ne sont pas encore en place pour savoir clairement qui l'on est devenu. Ce qui est certain, c'est que cet état d'esprit détestable ne doit pas, ne s'installera pas en CDI, mon impatience comme reine de mes guides spirituels toujours en tête de file pour y veiller. 
Ai-je raison d'étaler des écrits si sombres ici, peu importe, qu'ai-je bien à perdre ? Ces monologues me sont nécessaires pour digérer, et même pour faire fonctionner mes méninges un minimum de façon productive, entrainement indispensable pour ne pas laisser mon esprit s'engourdir. Et qui sait avec de petites défibrillations rédactionnelles, il sortira subrepticement de ce coma artificiel imposé pour laisser les douloureuses réflexions passer leur chemin, et faire la place à nouveau à l'espoir. Quel joli sensation l'espoir. Je l'affectionne beaucoup trop pour l'abandonner trop longtemps dans un grenier de mes pensées, et je lui reconnais son pouvoir sans frontière pour nourrir les coeurs, les âmes, ouvrir les yeux et les bras aux belles choses.
Quand on se blesse, c'est finalement la cicatrisation qui est le plus désagréable, et le plus long, et c'est une femme qui a accouché deux fois par voie basse qui écrit. Pourtant une fois passée, elle devient un vague souvenir, duquel on rit avec ses complices jusqu'à prétendre que ce ne fut pas si douloureux. Le temps fait bien les choses, il redirige l'esprit vers l'essentiel, reste à faire taire le coeur.

Tic-tac, tic-tac, tic-tac ... 

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