Lutte contre l’amnésie


La constance reste la qualité qui me fuit le plus souvent. Et cette phrase qui résonne depuis des années « Jamais tout à fait la même ni tout à fait une autre … », venant d’une personne que j’ai peu côtoyé, qui arrive à définir si simplement cette trajectoire aléatoire qui m’authentifie.

Envoyer tout valser, une fois que le déclencheur s’est manifesté, faire sa propre révolution a quelque chose d’excitant, d’entraînant, une idée brillante qui vous entraîne par la main : « viens ! viens, on y va en courant, sans se retourner … ». On se sent pousser des ailes, un vent nouveau qui nous envole au-dessus de nous-mêmes. La nouveauté, cette chose rare quand elle est sous le signe de l’optimisme, m’attire de ses yeux doux, et je me sens danser dans ses bras, sans forcer le trait, juste séduite par des promesses de jours meilleurs, avec ce goût de présent qui me ramène au centre de ce que je suis. Ça fait du bien merde !

Et puis ce temps exaltant commence à ralentir, et à se poser là … Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut tenir ses engagements envers soi-même. J’essaye de ne pas oublier ce que j’ai vu, pour garder l’énergie de ne pas renoncer. En réalité, il est toujours plus simple et plus facile de repartir dans ses travers. Dévaler à nouveau la pente vers les attitudes et les réflexes que l’on connait. A force d’avoir l’habitude de se perdre, me servir d’une boussole m’impressionne. Ne pas savoir ce qui va se passer en changeant de cap, devient propice à la peur et au recul.

Alors, je me rappelle, que je me suis promise de me donner toutes les chances de prendre la bonne voie, pour que les quarante prochaines années ressemblent davantage à ce que j’aspire. Et c’est là que le bât blesse : Mais à quoi j’aspire ? Ah oui, c’est vrai, je dois m’écouter pour le savoir. Mais s’écouter demande un effort, un entraînement quotidien … Et c’est là que mon pas devient hésitant … Tous les jours ? Sans perdre le fil, sans vaciller, sans rouvrir la porte à cette jumelle terrible qui n’a de but que de créer le chaos. 

Et tout ce vide qui devient si réel, si palpable ; il m’invite avec le sourire et les yeux plissés de joie, à l’emplir de mon propre bien-être, et de la moindre de mes envies … Pour le moment, ça ne veut pas encore dire grand-chose, cela reste flou. Mon impatience naturelle voudrait que tout se révèle à moi avant même d’avoir à fournir le moindre effort.

Changer, c’est difficile. Maman disait « chasse le naturel, il revient au galop ». Dans mon cas, je ne sais plus ce qui est naturel, ce qui va de soi. A quinze ans, mon « blaze » était « Factiss », car en me côtoyant un peu, on arrive à discerner ce flou artistique que je placarde, entre ce que j’offre en façade, et ce que je vis à l’intérieur. Pour finir par exploser et laisser agir la jumelle terrible. Cette étrange personnage qui s’attèle à détruire toute forme d’amour-propre chez moi, pour offrir une image toujours plus incompréhensible de qui je suis.

Changer … juste un peu, mais très profondément, pour arrêter d’écrire son propre désarroi, et fermer la porte aux opportunités de destruction. C’est une bonne raison, il me semble. Pourtant, faiblir et repartir dans la course effrénée du quotidien serait à l’instant T surement plus simple à mener. Mais j’ai commencé à m’écouter, et je sais que je ne veux plus cela. Alors je me force, à prendre mon temps, à prendre du recul, à laisser le silence et les images de mon esprit me guider, vers quoi, je ne le sais pas, mais j’ai encore envie d’y aller.

Combien de temps faudra-t-il pour que cela devienne un fonctionnement spontané et naturel ? Neutraliser quarante-deux ans d’auto-sabordage, ajuster la recette pour redéfinir son monde, et exister plus joliment dans cet univers remplis de desseins prometteurs, de bonheurs authentiques, de rencontres sans enjeux.

Aujourd’hui plus que jamais les gens que j’aime sont d’autant plus extraordinairement indispensables à mon bonheur. Mais je sais tout le travail que je dois encore faire pour que ces mêmes personnes puissent ressentir ne serait-ce que le centième de ce qu’ils m’apportent. Sans franchir cette marche, je resterai bloquée en bas, pendant que leurs âmes merveilleuses s’envoleront vers la vie, la vraie.

Je me refuse ce surplace, ce recul même qui m’a asphyxié jusque-là. Alors, je vais écrire encore et encore pour ne pas oublier mon pacte. Je vais m’auto-saouler d’aspirations et d’envies, et j’en suis sure, un jour, je me dirai « ça en valait la peine », avec ce sourire en coin qui parfois se dessine sans prévenir et que je ne soupçonnais pas avant.

Une nouvelle crise d’égocentrisme ? Et ce n’est que le début.



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