Pèlerinage


"Rentrer" ... c'est le terme que nous continuons d'utiliser des années après avoir quitté le nid familial.
Ma mère ne vit même plus dans la maison qui était aussi la mienne quand je suis partie. Mon père non plus. Et pourtant, la semaine dernière je suis rentrée ... Encore.
Je suis partie il y'a plus de 11 ans, sans me retourner, confiante, convaincue que ce qui m'attendait ne pouvait qu'être meilleur que tout ce que j'avais vécu jusque là.
Pendant des années, j'ai construis ma vie dans une surexcitation permanente, une fuite en avant sans fin, persuadée que tous les projets que je réaliserais m'éloigneraient toujours plus loin de cette ville et de ce qu'elle représentait pour moi.
Il reste que ma famille et mes amis locaux me manquent ... La maternité est venue accentuer cette carence. Mais chaque fois que j'ai eu l'occasion de déclencher un retour au bercail, il a suffit de quelques jours surplace pour me remémorer les raisons de cette fuite passée.
Pourtant, j'envie mes proches, mes amis restés surplace, près de leurs repères et des gens qui leur sont chers. Ils sont sûrement plus indulgents que moi ... Il m'est arrivé de pardonner, mais pas d'oublier totalement. La peur de souffrir à nouveau nourrit cette rancune qui vient gaspiller mon air, et qui me tient éloignée de la sérénité.
Bizarrement et malgré tout ce que j'écris au-dessus, j'aime revenir sur ma terre natale, être chouchoutée par maman, débattre avec papa, traîner avec le frangin, et bien sure bavasser des heures avec mes plus vieux amis. J'aime marcher sur des trottoirs où j'ai usé mes baskets, rouler trop vite en empruntant toujours les mêmes raccourcis improbables pour gagner une minute et douze secondes, boire un chocolat dans ce café démodé avec une vue imprenable sur la place la plus passante de la ville, aller chez le même coiffeur qu'à 13 ans (parce que c'est le seul qui comprend ce que je veux et qu'il m'a coiffé pour mon mariage), aller honorer la mémoire du meilleur pizzaïolo disparu et commander la même pizza que 17 années plus tôt, et finir la soirée dans le bar à vins d'en face parce que le patron me fait la bise, se souvient de mon prénom et me demande de saluer mon père ! Oui, je retrouve mes repères, mais aussi la mémoire ...
Je suis au volant, comme toujours, et je me rappelle que j'y ai vécu les super anniversaires organisés par maman, aimé, embrassé pour la première fois, passé mon permis de conduire (3 fois !!!), mon Bac, mon BTS, eu mon premier téléphone portable, eu des amitiés passionnelles, vécu des soirées inoubliables, connu mon futur ex-mari, appris à me défendre, à danser ... Je me rappelle que c'est parce que Troyes est Troyes que j'ai eu tant d'envies, le courage d'avancer et de tout mettre en œuvre pour réaliser mes rêves.
J'ai vécu de merveilleux moments depuis 10 ans, inoubliables et plus forts que tout ceux passés ... Mais si mon vécu n'avait pas été celui qu'il est, je n'aurais peut-être pas su saisir les opportunités de ces instants de bonheur.
Alors, même si chaque séjour se conclut d'une sérieuse impatiente à revenir dans mon chez moi où je me sens bien et où j'ai mes repères d'adulte, je me devais de rendre à Troyes ce qui est à Troyes.
Tel un ex, je ne lui pardonnerais peut-être pas les blessures qu'elle m'a infligé, mais je serai incapable de la détester car nous avons nos beaux souvenirs ensemble !


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