L'esprit avant la matière

Ce soir, je vais écrire.
Cette année, je vais écrire.
J'espère ne plus jamais arrêter d'écrire. 
Je ne veux plus bouder mon clavier parce que d'autres impératifs plus palpables, plus envahissants viennent cannibaliser mon temps et mes pensées.

J'aime écrire. J'adore écrire, et aussi loin que je me souviennes, dès que j'ai eu l'âge d'organiser mes idées sur un morceau de papier en les articulant autour d'histoires fantasmées, vécues, ou simplement en laissant ma main traduire par des mots ce ressenti qui prenait toute la place et m'envahissait de façon régulière, dès que l'on m'a confié mes premières copies doubles, petit format, pour rédiger les premières rédactions sur des thèmes au choix tels que les dernières vacances, lectures, films, sorties et autres expériences personnelles, j'ai senti vibrer tout le long de mon être la jouissance de pouvoir m'exprimer sans avoir à faire de bruit.
Pas besoin de remuer, de s'agiter pour être lu, aucune nécessité de remuer ciel et terre, car finalement, je n'ai jamais prétendu avoir besoin d'être lue par une multitude de personnes. Bien au contraire, les écrits sont intimes et très inquiétante est la pensée que vos phrases et paraphrases pourraient être lues, jugées, mal considérées, voire incomprises.
L'idée que seule une personne lirait ces copies me procurait une sensation douce et excitante à la fois d'exister pendant les quelques minutes que prendrait cette lecture, sans nul faire d'avantage que de formuler un être intérieur avec ces ingrédients magiques que sont les lettres de l'alphabet.

J'aime écrire comme nulle autre chose ; j'ai des plaisirs dans la vie, beaucoup de plaisirs, qui m'aident à me rappeler que la vie est une belle histoire et que si le hasard de la chimie humaine nous avait extrait d'un corps maternel pour venir se cogner violemment aux réalités terrestres, c'est justement pour pouvoir saisir chaque toute petite opportunité de capter ce plaisir au moment où il se présente humble et éphèmère, devant nous.

J'aime écrire car c'est un moment rare et précieux où je vois les choses autrement qu'à mon habitude, tel un sens supplémentaire qui m'aiderait à voir d'avantage. Quand je formule ces petites idées, ces visions du monde qui m'entourent, ou ces instants personnels qui rebondissent dans ma boite crânienne telle une boule de flipper qui se cogne frénétiquement sur les bords du dit appareil pour créer cette effervescence bruyante et empêcher de se concentrer sur autre chose,  quand j'arrive à trouver le temps et le courage, quand je me fais violence pour arrêter de faire tout autre chose davantage prioritaire au yeux de notre monde moderne, pour m'adonner à cette activité sans aucun sens ni but donné, c'est exactement à ce moment précis que j'arrive à démêler un minuscule morceau de mes pensées emberlificotées dans ce sac de noeuds que forme cet amas de données intracrâniennes et que je perçois enfin en moi une clairvoyance qui m'apaise, et qui m'offre ce doux pouvoir de me sentir plus libre que ce que je ne suis vraiment.

Peu m'importe que je sois lue ou non, quand j'écris je vis, et je me projette dans cette vie qui se présente à ma porte. Quand j'écris je n'ai plus peur, je n'ai plus mal, je ne souffre plus vraiment ; j'extrais du plus profond de mon débarras encéphalique ces innombrables sentiments pour les utiliser à mon avantage et m'en nourrir. Le plaisir d'écrire, d'être libre de s'exprimer vient pulvériser en micro, macro, nano, particules les courants les plus négatifs de mon esprit, pour ne laisser la place qu'au bien-être d'être ce que je suis, ce qui me fait aimer ce que j'ai, et ceux qui sont.

Je n'ai pas besoin, d'être lue, juste d'écrire.

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