Randonnée pédestre

Quelle drôle de métaphore cette histoire de pieds et de miroir, merci à l'auteur.

Disons qu'il y a quelques jours, je me suis faite rouler sur les deux en même temps. Disons que j'ai cru que j'allais réussir à marcher, un peu plus lentement, un peu en boitant, mais que je n'ai pas sentit l'étendu des dégâts immédiatement. Et disons que la violence de la douleur m'a prise par surprise et que j'ai du faire appel à "S.O.S. personnes indispensables" à un moment quelque peu inopportun, type au milieu de la nuit. Disons que ce genre de choses ne m'étaient pas arrivées depuis des années et qu'on n'est jamais prêt à avoir si mal.

A cet incident, il a été décidé de me kidnapper loin de la zone de crime. Ainsi les auteurs de ce rapt m'ont insufflé leur énergie, leur souffle, leur courage, m'ont donné un peu de leur sourires et de leur âme. Je ne m'attends jamais à autant de générosité. Quels que soient le jour et l'heure, trouver les bras de quelqu'un pour vous porter, c'est un luxe bien plus précieux et immense que n'importe quel cadeau que l'on peut ranger et oublier dans un placard. Ces moments où une personne respire à votre place, et prend le relais sur tout le reste, quelques heures, quelques jours, juste le temps de se rappeler qu'on est toujours vivant. Puis une autre qui vous rend le sourire, a toujours quelque chose de pertinent et de métaphoriquement drôle pour rallumer les petites lucioles au milieu d'un paysage où l'on ne voit plus rien, aveuglé par la douleur. Et cette femme incroyablement positive et débordante d'énergie, qui n'a jamais laissé les pièges de la vie stopper sa course, et qui par son flot de mots et de phrases pleines de sens et de vécu vient appuyer sur le starter de votre esprit, pour le lancer à nouveau sur la piste de la raison.

J'ai la sensation d'avoir le corps et l'esprit broyé ... Comme si j'avais été prise au milieu d'une rixe pendant laquelle j'aurais pris plus de coups que mon corps ne peut en encaisser. Et ces personnes, ces femmes incroyables m'ont prise chacune par un bras, malgré leur propre douleur et difficultés, pour me rappeler que tout est surmontable, et qu'aucun acte n'est le fait du hasard. 

Je suis une personne lucide, fantaisiste mais lucide. Quelle que soit les voies que j'empreinte, je sais toujours quel risque je prends, à quel danger je m'expose. Après tout à 36, 37 ans dans quelques jours, en bonne santé, vivotant dans une vie plutôt ordinaire et bien rangée, je peux me permettre quelques coquetteries pour la rendre plus vibrante. Et jusqu'ici je me débrouille plutôt pas mal. D'ailleurs quand mon quotidien n'est pas de temps à autre bousculé par des épisodes plus riches, je me perds et finis par oublier l'essence de ma personne. Alors quand la vie met sur ma route des surprises aussi énormes que déstabilisantes, pourquoi faire un détour qui me ferait perdre du temps, et surement rater une expérience qui ne me peut que m'enrichir. J'ai conscience que certaines blessures m'abiment plus que d'autres, pourtant ...

A cette phrase, entendue de nombreuses fois "protège-toi quand même un peu", j'ai toujours fait la sourde oreille. Et les mêmes personnes qui ont eu la finesse de me chuchoter ces paroles viennent alors écoper la maison inondée (inondation, vase, pieds ... le début de la dite métaphore). Mais j'aime à penser que ce côté de ma personnalité n'est pas perçu comme un défaut par les personnes qui comptent, même si je repars abimée.
Ma dernière cascade, celle qui a tout bousculé au point de me faire perdre pieds avec la réalité, a laissé un œdème douloureux et visible qui m'empêche totalement de relativiser. Bien qu'une cascade reste un acte où l'on est censé calculer toutes les probabilités pour ne pas y laisser sa peau, le choc de la dernière bloque l'irrigation de mon cerveau, et pas que ...
J'ai dans ces cas là, un très mauvais réflexe issu de ce putain d'instinct de survie, instinct qui s'est développé de façon un peu trop combative chez moi. Réflexe qui consiste à tout envoyer balader, à m'enfermer dans la peau d'un animal blessé que plus personne ne peut approcher, convaincue de l'aspect irréversible de la situation. Pensant me protéger de nouveaux dommages, j'éloigne le co-pilote, je balance la voiture dans un ravin et je déserte en courant le lieu de tournage, me promettant de ne jamais y remettre les pieds. 
Et ce vide abyssal a pour vertu de rendre cette douleur déjà vive encore plus insupportable. Elle a aussi le don de me faire basculer dans une culpabilité et une auto-flagellation pas totalement justifiées.

Une réponse que la vie ne m'apporte jamais, est celle qui découle de la question "ai-je eu raison ?". 
On finit toujours par avancer et tourner la, les pages, et si l'on a du se protéger c'est que la situation ne convenait pas à notre conception de la sérénité. Mais là, ici, maintenant, tout de suite, qui pourrait m'affirmer que la meilleure décision a été prise. Et demain ? Et dans un mois ? Dans un an ? Dix ans ? Qui peut prétendre avoir les clefs de la vérité absolue ? On est d'accord, personne. Et si j'avais la touche "Rewind" reverrais-je ma copie ? Oui, non, ne se prononce pas, cela ne m'appartient plus ... Et si j'avais une baguette magique que changerais-je ? Pour ça, j'ai en effet une petite idée, mais c'est se faire davantage de mal que de partir sur cette voie. Je vais donc devoir me débrouiller avec mes doutes. Doutes qui finiront peut-être par se transformer en certitudes. Nous sommes tous logés à la même enseigne, le coeur broyé, plus aucune théorie ne peut avoir la vanité d'être fiable et vérifiée.

C'est un exercice extrêmement complexe de chercher les mots les plus justes et les phrases les mieux construites alors que son esprit ressemble à une boite de pâtisserie sur laquelle quelqu'un se serait assis sans faire attention. J'attends d'écrire depuis dimanche soir, parce que je sais que cela à chez moi le pouvoir de libérer mon esprit, mon coeur, mon corps de pensées, de sentiments, de sensations trop lourdes. J'ai conscience à quel point je jette de façon hasardeuses mes idées sur mon clavier, et comme elles prennent une forme confuses et déstructurées, mais elles doivent sortir, là, maintenant, pour que je puisse essayer de reprendre pieds.

A cette heure-ci, je ne suis tellement pas convaincue de devoir tourner quelques pages que ce soient, je reste assommée, je me contente d'être observatrice des jours qui passent. Peu importe, comme disait ma maman quand j'étais une adolescence pleine de chagrin "c'est comme tout, ça finira par passer". 

J'ai l'impression que je pourrais écrire jusqu'au bout de la nuit. Oui, parce que personne ne voit les pavés que j'écris et que j'efface, ne pouvant pas tout publier non plus. C'est ici la fameuse limite entre le journal intime et le blog personnel. Pas trop de détails, pas de nom, pas de description étayée du contexte, juste une réflexion sur soi-même, et certains autres, à un instant donné, en fonction des évènements extérieurs.
Un blog, à quoi cela peut-il servir finalement ? Quel est le but d'un tel étalage d'état d'âme et d'épisodes plutôt intimistes ? 

A prendre des risques ...




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