La roue de la fortune


Je suis née la même année que Kim Kardashian, c'est mon sous-main qui me le dit. On s'en fout.

Quand on pense beaucoup, on vit plus vite et plus fort. Ce n'est pas forcément très pratique. Plus souvent dans la réaction que dans l'action, il faut chaque fois déconstruire pour reconstruire ses pensées et ses actes. Comportements qui font fuire le calme, la raison, la sérénité. C'est difficile de prendre son temps quand le réflexe de précipiter les décisions se montre toujours en premier. La seule parade que j'ai su lui imposer est l'immobilisme : si je ne fais rien, si je ne bouge pas, je ne peux pas prendre de mauvaises décisions. Mais dans ce cas, c'est le reste du monde qui prend les décisions à votre place, et le temps s'écoulant, cela devient encore plus compliqué de savoir faire un choix, et de se l'approprier.

Pourtant, certaines choses, certaines étapes, certains pans de la vie ne demandent qu'une seule décision, q'un seul acte, un seul choix, comme tourner une page. Il n'y a rien à faire, rien à dire, juste attendre que son esprit ait fait le tour de toutes les questions, de toutes les émotions que cela suscite. Ne pas bouger, ni en avant, on irait trop vite vers des chemins qui ressembleraient à une fuite, ni en arrière, la nostalgie qui qui vous sourit a déjà oublié pourquoi tout cela est nécessaire. 

Accepter toutes les pensées quelles qu'elles soient. Puis les oublier, une à une. Comme pour une plaie, ne pas désinfecter trop souvent, ne pas laisser un pansement qui ralentit la cicatrisation, ne pas gratter la croûte même quand ça démange, et laisse de vilaines cicatrices, ne par ressasser ce que l'on aurait du faire pour éviter la blessure. Non, attendre que cela cicatrise, doucement, surement, avec les précautions d'un bobo encore douloureux qui nous renvoie à l'épisode qu'il faudra éviter une prochaine fois. 

Bien sure qu'on ne réécrit pas l'histoire, mais comment éviter de toujours répéter les mêmes bêtises ? Quand c'est incontrôlable, quand c'est puissant, c'est à ce moment là qu'il faut se rappeler du bleu, de la coupure, de la fêlure ! Serais-je addicte à la douleur pour n'épargner à mon coeur aucune mésaventure ? Ou peut-être est-ce une profonde niaiserie incurable ?

Les années passent ... Il reste plusieurs décennies pour trouver ses réponses, même si j'ai commencé à comprendre certaines choses, je n'arrive pas encore à m'en défaire. Je n'ai pas vraiment peur de demain, c'est quelque chose que j'ai réussi à changer, à raviver, l'espoir du "mieux en mieux". Mais l'insouciance du "on verra demain, on a le temps" commence à céder la place à des "j'en veux plus, j'ai assez perdu de temps". Même si, en réalité, je n'ai pas vraiment perdu de temps, j'ai plutôt essayer des choses qui se sont avérés vaines. Tant pis, dommage, la vie est faite de regrets qui se transformeront en souvenirs.

J'aime que l'automne et l'hiver approchent à grands pas. Terrée dans ma tanière, je prends le temps d'écouter ces mélodies qui me rappellent ce que j'ai vécu et me racontent tout ce qui est encore possible. Elles virevoltent dans ma tête pendant que je profite d'instants plus silencieux, plus lents et me nourrissent copieusement pour raviver ces envies qui me font être.

J'ai flirté avec le bonheur. J'ai vécu des moments rares, parfois doux, parfois d'une puissance déconcertante. Les choses ne sont pas ancrées dans la réalité et se sont envolées avec mes rêves de petite fille abimée. Et je n'ai jamais autant grandi que depuis cette époque. Aujourd'hui, je continue de rêver, on ne change pas un esprit en apesanteur. Ces désirs et ces envies ont une toute autre saveur, ils s'expriment avec la même désinvolture qui m'appartient, et ils dansent avec moi, mon univers, ma réalité.

Je suis tantôt une danse endiablée, une roue incongrue, un rire aux éclats, une nuit blanche enivrée, tantôt une sieste sur l'herbe, une étreinte sous les draps, un dimanche dans le canapé, des sanglots incontrôlés ... Je ne suis pas sortable, mais je suis tout ce qu'il y a de plus entière. Et je crois qu'on me le rend bien. Je n'ai rien fait de ma vie d'extraordinaire jusqu'ici, mais je ne serai jamais quelqu'un d'ordinaire, c'est déjà ça.

J'écris pour essayer de tourner les pages un peu plus vite, mais on ne force pas son esprit à oublier ...



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