Libertad


Alors que je me pensais plutôt libre de m'exprimer, chaque fois que je m'apprête à frapper les touches de mon clavier (dont un quart ont été kidnappées par ma fille il y a plusieurs années), la pudeur mêlée à la gêne, agitées toutes deux par l'angoisse de manier les mots sans saveur viennent ralentir la hâte qui m'habitait quelques secondes plus tôt.
Ainsi, il y a toujours la clope d'avant post ... Enfin, il y avait. Cette dernière consommée dans une ultime étreinte aux airs d'adieux, je retrouve le goût du risque et je me lance.
Ce samedi, sur la route qui me mène à l'agence (avez-vous remarqué ? C'est souvent en conduisant que je suis inspirée ; pas très rassurant pour les autres automobilistes qui croisent ma route !), j'étais encore perdue dans mon esprit producteur d'idées en gestation, quand une seule a joué des coudes pour prendre la première place : une incroyable sensation de liberté !
Je ne pousserai pas le ressentit jusqu'à La Liberté avec un grand L, encore faudrait-il se détacher de tout ce qui fonde notre société occidentale, et je suis bien trop attachée à mon poste de télévision pour franchir un tel cap.
Non, il s'agit plutôt d'un arrêt sur images sur toutes les libertés, innocentes, inodores, silencieuses dont je jouis aujourd'hui et qui rendent le quotidien plus léger. 
La liberté de décider du programme qui va squatter l'écran, même si je fais bien d'autres choses en même temps et que je ne jetterai qu'un bref coup d’œil toutes les 20 minutes sur le dit écran. 
La liberté de laisser les choses là où je les ai posé même si ce n'est pas la "bonne" place ou que cela créé une impression de désordre, et de laisser les choses ainsi plusieurs jours durant. Ainsi que la liberté de chasser la culpabilité qui s'incruste à force de passer devant l'objet, habit, bouteille vide, panier à linge ou que sais-je encore, en une poignée de secondes juste à l'idée que ça ne dérange que moi ! 
La liberté d'acheter, porter, même une seule et unique fois un apparat qui ne plaît qu'à moi. Et personne pour me rappeler aussi, un peu plus tard, que cet accessoire qui me paraissait indispensable à l'époque de son acquisition, qui d'ailleurs a eu lieu à un moment où ce n'était pas la priorité dans le budget mensuel, n'a pas sortit le bout de son ourlet de mon dressing plus d'une fois depuis son adoption dans la grande famille qu'est ma précieuse collection de tenues importables ... Et alors ?
La liberté de me coucher tard et de me lever fatiguée, de me dire que c'est la dernière fois et de réitérer le délit le soir même ... La liberté d'inviter qui je veux, quand je veux, même si je n'ai rien de "sérieux" dans le frigo : si, si, je sais tout de même recevoir !
La liberté de pratiquer des actes esthétiques à une heure indue et ce, même si l'odeur d'acétone envahie la pièce où je vais m'endormir quelques minutes plus tard. 
La liberté d'aller à une soirée improvisée, et de remettre tout ce que je suis en train de faire à plus tard, "quand" devenant une belle inconnue.

Bref, la liberté de faire des choix, ou de ne pas en faire du tout.

Je ne suis pas en train de faire l'apologie du célibat, je n'affectionne pas particulièrement la solitude. Pourtant, je ne peux nier le plaisir que produit l'absence de négociation à chacun de mes choix, souhaits, envies, aspirations.
Non, je ne suis pas une solitaire, il y a une liberté que j'aime et qui m'anime bien plus que toutes les autres, une liberté insatiable ... c'est la liberté d'aimer.
Alors, demain, après-demain, un jour peut-être userai-je et abuserai-je de cette liberté là ... Aussi.

"(...)
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté."
Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit




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